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un voyage

très chaste ; Ferdinand, c’était toujours pour elle le bébé que l’on berce. Mais Attilio parle sagement. Elle commande qu’on mette le lit de son fils dans une pièce contiguë à sa chambre. L’enfant pleure un peu. Elle tient bon. Pour la première fois, cette nuit-là, Ferdinand dormira loin de sa mère…

On soupe, on récite le chapelet en commun, à dix heures Lucrezia renvoie tout le monde.

Il y a trois portes à sa chambre, l’une ouvre sur la pièce où couchent ses femmes, l’autre sur la nouvelle chambre de Ferdinand ; la troisième cachée par le cuir d’or peint de la tenture, est une porte secrète, et derrière, il y a un petit escalier.

Lucrezia se couche. Tout est calme dans la nuit. Soudain, les femmes sont réveillées par un bruit étrange. On dirait des gémissements étouffés. Sans doute la marquise fait un de ses mauvais rêves. Les servantes cherchent à se rendormir. Mais les gémissements augmentent de force, un meuble tombe, Et, comme libre du bâillon qui l’étouffait, la voix de Lucrezia éclate, terrible, désespérée : « Sainte Vierge ! Saint-Antoine, secourez-moi ! Traître ! Non ! Non ! Plutôt mourir. À l’aide ! Ferdinand ! Au secours… On m’assassine ! »

Qui est avec la marquise ? Elle répète : Traître ! Traître ! Mais elle ne nomme pas le traître.

Les femmes se jettent sur la porte. Elle est fermée. Le petit garçon est debout, lui aussi. On l’entend crier d’une voix qui s’étrangle : « Ouvre-moi, mère ! Ouvre ! » car cette porte-là encore est fermée.