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un voyage

peintres. Et ces médiocres bonshommes de Hals émeuvent presque jusqu’à la peur, parce qu’il eut entre tous les autres une puissance d’exécution si prodigieuse, si révélatrice que, comme par un sortilège, sa vision devient nôtre.

Elle est vivante, cette exécution, au point que son geste semble recommencer devant nous. On l’aperçoit, délicat, retenu et si rapide, faisant courir le pinceau aigu, chargé de blanc et d’huile, aux réseaux compliqués d’une guipure ; large et arrêté nettement pour casser un pli de satin, brusque et tournant pour sertir un œil d’un trait soudain. Il a une allure souple comme pour l’élégance exacte d’un parafe, et quelquefois son agilité suggère l’image d’une pointe d’épée traçant des arabesques scintillantes dans l’air.

Le plaisir nerveux qu’il sentait à peindre, il nous le fait éprouver, à nous, ignorants que, d’une poigne despotique, il traîne sur le chemin qu’il a suivi.

Hals est le peintre de ce qu’il y a sous les surfaces. Son dessin s’attaque à l’os, au tendon, s’obstine, va les chercher dans la peau, les inscrit avec une joyeuse brutalité. À la fin des séances, m’a dit autrefois le comte André Minszech, — l’homme qui connut le plus profondément le génie de Hals, — il redessinait d’un trait noir les têtes quasi achevées pour y remettre l’accent des fibres qui tendent, résistent, bougent. Il recherchait l’écorché sous les plans amollis par le travail du modelé. Toutes les possibilités du mouvement et du changement s’aperçoivent dans les visages qu’il peint.