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saison, ne devait pas abonder en rivaux dangereux. Il s’apercevait qu’Éveline y serait entourée d’une famille mondaine, et il pensait que c’était là une circonstance avantageuse, cela servirait peut être à dissiper les tendances romanesques de sa jeune amie, et à lui faire apprécier les plaisirs de la vie de Londres, le rang officiel, la brillante société que son union avec lord Vargrave lui offrirait en échange de sa fortune. En somme, il chercha, ainsi qu’il en avait l’habitude, à tirer tout le parti possible de la nouvelle tournure qu’avaient prise les affaires. Quoiqu’il fût tuteur de miss Cameron, et l’un des administrateurs de la fortune dont elle devait jouir à sa majorité, il n’avait pas le droit de se mêler du choix de sa demeure. Le testament du feu lord avait expressément et tout particulièrement corroboré l’autorité naturelle et légale de lady Vargrave dans tout ce qui avait rapport à l’éducation et à la résidence d’Éveline. Il ne serait pas hors de propos d’ajouter ici, que le testateur avait laissé à lord Vargrave, et à son co-administrateur, M. Gustave Douce, banquier éminent et fort considéré, des pouvoirs discrétionnaires quant au placement de la fortune. Il avait désiré, par ses dernières volontés, qu’une somme de cent vingt à cent trente mille livres[1] sterling fût consacrée à l’achat d’un domaine ; mais il avait laissé aux administrateurs le droit d’augmenter cette somme, jusqu’à concurrence du capital tout entier, dans le cas où un domaine de cette valeur se trouverait à vendre ; pour le choix du temps et du lieu il avait laissé toute liberté aux exécuteurs testamentaires. Jusque-là Vargrave s’était opposé à toutes les acquisitions qu’on lui avait proposées ; mon pas qu’il fût insensible à l’importance et à la considération que donnent les propriétés territoriales ; mais, jusqu’à ce qu’il fût lui même légalement autorisé à percevoir le revenu, il aimait mieux laisser l’argent dans les fonds publics que de se tourmenter de tous les détails onéreux qu’entraînerait l’administration de biens qui ne lui appartiendraient peut-être jamais. Cependant il souhaitait, avec non moins d’ardeur que son défunt parent, de voir arriver le moment où le titre de Vargrave reposerait sur une base vénérable de manoirs féodaux et de terres seigneuriales.

« Pourquoi ne m’aviez-vous pas dit que lord Vargrave était un homme charmant ? demanda Caroline à Éveline, avec

  1. 3,000,000 à 3,250,000 francs.