Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans toute sa bonté, dans toute sa sincérité sans défiance, l’amour colorait toutes ses pensées, murmurait dans sa voix douce et mélodieuse ; l’amour arrondissait son cou de cygne et ses membres gracieux, s’épanouissait dans toute la symétrie de leur radieuse jeunesse.

C’était précisément une de ces femmes qui prennent d’assaut la raison. Qu’elle fût triste ou gaie, il y avait en elle une grâce charmante et irrésistible. Elle semblait née, non seulement pour captiver les hommes légers, mais pour tourner la tête aux sages. Roxelane ne lui était pas comparable. Il nous est impossible de dire comment dans l’obscur hameau de Brook Green elle avait appris à ce point l’art de plaire. À son fin sourire, au gracieux mouvement de sa tête, à ses séduisantes manières, à la fois timides et aisées, on eût dit que la nature l’avait créée pour charmer un seul cœur, et tourmenter tous les autres.

Sans être savante, Éveline était instruite ; elle avait un esprit cultivé. Son cœur contribuait peut-être à l’éducation de son intelligence ; car, par une sorte d’intuition, elle savait apprécier tout ce qui était beau et grand. Son goût ingénu et naturel avait une logique qui lui était propre ; nul philosophe ne pouvait avoir une perception plus rapide de la vérité : nul critique un plus prompt discernement du vrai et du faux. Lorsque Éveline admirait un ouvrage, on était sûr d’y trouver l’empreinte de ce qui était noble, beau, ou vrai.

Mais Éveline avait quelques défauts : ceux de son âge ; ou plutôt, elle avait certaines tendances qui auraient pu dégénérer en défauts. Elle était d’un naturel si généreux que la seule pensée de s’immoler aux autres avait pour elle du charme. Elle agissait toujours par impulsion ; et ses impulsions, quoique pures et nobles, étaient souvent irréfléchies et imprudentes. Elle était docile jusqu’à la faiblesse, facile à persuader ; si sensible qu’un regard de froideur, de la part même d’une personne dont elle se souciait peu, la blessait jusqu’au fond du cœur ; et par l’effet de cette sympathie qui accompagne toujours la sensibilité, rien ne lui était plus douloureux que la pensée de faire de la peine aux autres. Voilà pourquoi Vargrave était en droit de former des espérances favorables de succès. Éveline avait une de ces natures qui sont dangereuses pour le bonheur. Quelle réunion de circonstances propices il faudrait pour conserver à leur midi l’éclat de leur aurore ! Le papillon, qui semble l’enfant