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seraient nécessaires à Éveline, en lui envoyant une robe comme modèle pour la longueur et la largeur seulement. Il alla presque jusqu’à trépigner d’impatience, lorsqu’il apprit qu’on avait donné à Éveline l’une des jolies petites chambres destinées en général aux jeunes personnes en visite au presbytère.

« Elle est parfaitement satisfaite, mon cher M. Merton ; elle a des goûts si simples ! elle n’a pas été élevée dans le luxe que vous imaginez.

— Mistress Merton, dit le recteur d’un accent solennel, il est possible que miss Cameron ne s’y connaisse pas à présent ; mais plus tard, que penserait-elle de nous ? J’ai pour maxime de ne pas perdre de vue ce que doivent être les gens dans l’avenir, et de leur montrer un respect dont ils puissent conserver une impression agréable, lorsque à leur tour ils auront l’occasion de nous témoigner des égards. »

On transféra Éveline (en lui faisant mille excuses qui confondirent complétement la pauvre enfant), de sa petite chambre meublée d’un lit à flèche et d’un lavabo peint en imitation de bambou, à un appartement somptueux, où se trouvaient une armoire de Boule, et un lit à colonnes, orné de rideaux de soie Verte. Cet appartement était ordinairement occupé par la comtesse douairière de Chipperton, qui venait régulièrement tous les ans à Noël. Il y avait un joli boudoir attenant à la chambre à coucher, et de cette pièce on descendait au jardin par un escalier particulier. On fit comprendre et apprécier à toute la famille la haute importance de la jeune héritière. Une reine n’eût pas été environnée de plus d’égards. Éveline ne vit dans tout cela que de la bienveillance pure ; elle répondit à ce luxe d’hospitalité par une affection qui s’étendit à toute la famille, mais en particulier aux deux petites filles et à un ravissant épagneul noir. Bientôt ses robes lui furent envoyées de Londres, sa femme de chambre arriva, l’armoire de Boule se trouva remplie, et Éveline apprit enfin que c’est une belle chose que d’être riche. Le recteur lui-même, dans une lettre fort longue, et fort polie, envoya à lady Vargrave un rapport exact de tout Ce qui avait été fait. La réponse, quoiqu’elle fût courte, contenta l’excellent ecclésiastique. Lady Vargrave approuvait tout, et témoignait le désir que miss Cameron eût tout ce qu’on jugerait convenable à son rang.

Le même courrier apporta deux lettres à Éveline, l’une de sa mère, l’autre de M. Aubrey. Ces lettres lui firent oublier le