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CHAPITRE V

Que ceux d’entre nous qui veulent bien redevenir enfants, quand ce ne serait que pour une heure, s’abandonnent au délicieux enchantement qui s’empare de l’âme lorsqu’elle se livre au souvenir des innocentes jouissances de l’enfance.
(D. L. Richardson.)

Le récit animé que fit Caroline, pendant le dîner, de leurs aventures, fut reçu avec beaucoup d’intérêt, non-seulement par la famille Merton, mais aussi par quelques personnes du voisinage qui partageaient l’hospitalité du recteur. Le retour inopiné de tout propriétaire dans ses domaines héréditaires, après une longue absence, produit toujours une certaine sensation dans une société de province. Dans un cas comme celui-ci, où le propriétaire était encore jeune, garçon, célèbre et beau, la sensation, cela va sans dire, était encore plus grande. Caroline et Éveline furent accablées de questions, auxquelles Caroline seule répondit d’une manière satisfaisante. Son compte-rendu était en somme bienveillant et favorable ; il parut même flatteur à tout le monde, excepté à Éveline qui trouva que Caroline n’était pas un peintre de portraits bien exact.

Il arrive rarement qu’on soit prophète dans son pays ; mais Maltravers avait si peu habité le comté, et lorsqu’il y était venu jadis, il avait mené une vie si retirée, qu’on le regardait comme un étranger. Il n’avait éclipsé le train de maison d’aucun de ses voisins : il ne s’était posé comme le rival d’aucun chasseur des environs ; et en somme, on s’était montré indulgent pour ses habitudes de farouche réserve. Grâce au temps, et à son absence de la scène du monde, absence assez longue pour le faire regretter, et pas assez pour le faire remplacer par d’autres favoris, sa réputation s’était mûrie et consolidée, et son pays était fier de lui. En conséquence (quoique Maltravers se fût refusé à le croire, quand même un ange le lui eût assuré) on n’avait pas dit de