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et tenez, la bouteille est vide. Fumez-vous, monsieur ? » Et M. Peacock m’offrit un cigare.

Sur mon refus, il fit pirouetter soigneusement un spécimen fort peu séduisant de quelque fabuleux havane, le mouilla sur toute sa longueur comme ferait un boa constrictor se préparant à engloutir un bœuf, en coupa un bout avec ses dents, alluma l’autre à l’aide d’une petite machine qu’il tira de sa poche, et fut bientôt absorbé dans les vigoureux efforts qu’il fit pour empester notre atmosphère, car l’humidité de la feuille la fit résister longtemps au feu. Alors, soit par émulation, soit dans un but de défense personnelle, le jeune monsieur prit dans sa poche un étui à cigares d’une élégance remarquable. Il était en velours brodé sans doute par quelque jolie main, car on y lisait : Souvenir de Juliette. Il en sortit un cigare d’aspect plus invitant que celui de son camarade, et parut aussi familier avec le tabac qu’avec l’eau-de-vie.

« Voilà, monsieur, un garçon avancé ! dit M. Peacock dans les courts intervalles que lui laissait sa lutte acharnée contre sa malheureuse victime ; il ne lui faut, pff ! pff ! rien moins que hff ! hff ! du vrai syl… syl… sylva. Pardieu, mon cigare est éteint. L’abîme des ténèbres l’a dévoré. »

Et M. Peacock eut une seconde fois recours à sa machine phosphorique. Cette fois sa patience et sa persévérance furent couronnées de succès, et le cœur du cigare répondit par une lueur d’un rouge sombre à l’ardeur infatigable de son adversaire, tandis que le feu respectait l’extérieur.

Après ce haut fait, M. Peacock s’écria d’une voix triomphante : « Et maintenant que dites-vous, amis, d’une partie de cartes ? Nous ne sommes que trois, nous jouerons avec un mort. Rien de mieux, n’est-ce pas ? »

Ce disant, il tirait de la poche de son habit un foulard rouge, un trousseau de clefs, un bonnet de nuit, une brosse à dents, une boule de savon, quatre petits morceaux de sucre, le reste d’un baba, un rasoir et un jeu de cartes. Il ne choisit que les cartes et renvoya toute leur bizarre compagnie dans l’abîme d’où il l’avait sortie. D’un mouvement du pouce et de l’index il tourna le valet de trèfle, et le mettant au-dessus du jeu, jeta majestueusement les cartes sur la table.

« Vous êtes bien honnête, mais je ne connais pas le whist, dis-je en ce moment.