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mettait rarement la main à la bourse, il faisait de fortes traites sur ses banquiers. Une congrégation était-elle sans église, un village sans école, une rivière sans pont ? M. Trévanion se mettait à ses calculs, trouvait, au moyen d’une formule algébrique x—y, la somme exacte qu’il fallait, et la payait comme il eût payé son boucher. Il faut avouer qu’un malheureux qu’il reconnaissait digne de secours ne s’adressait jamais vainement à lui ; mais il est étonnant combien il dépensait peu de cette manière. Il était difficile de convaincre M. Trévanion qu’un homme digne de pitié en fût réduit à demander l’aumône.

Je crois cependant que Trévanion faisait infiniment plus de bien réel que sir Sedley ; mais il le faisait par un calcul de l’esprit, nullement par impulsion du cœur. Je suis fâché de dire que la principale différence entre ces deux personnages consistait en ceci : le malheur grossissait toujours auprès de sir Sedley, et s’évanouissait en présence de Trévanion. Partout où se montrait Trévanion avec son esprit actif et investigateur, l’énergie se réveillait et avec elle l’amélioration. Partout où se montrait sir Sedley avec son cœur chaud et généreux, une sorte de torpeur se répandait à la suite de ses bienfaits. Les pauvres couchés par terre se levaient à l’approche du premier, comme aux approches d’un hiver piquant et rigoureux ; mais le dernier faisait sur eux l’effet du soleil d’été sur les paresseux Italiens. L’hiver est un excellent fortifiant sans doute, mais nous aimons tous mieux l’été.

Pour vous faire comprendre combien sir Sedley était aimable, je vous dirai que je l’aimais quoique je fusse jaloux de lui. De tous les satellites qui gravitaient autour de ma belle Cynthia, Fanny Trévanion, c’était cet astre aimable que je redoutais le plus. En vain je me disais, avec l’insolence de la jeunesse, que sir Sedley Beaudésert était du même âge que le père de Fanny ; à les voir ensemble, on aurait pu le prendre pour le fils de Trévanion. Parmi toute la jeune génération, il n’y avait pas un homme dont la beauté approchât de celle de Sedley Beaudésert. À première vue, il pouvait être éclipsé par l’effet séduisant d’une chevelure plus abondante et d’une plus éclatante fleur de jeunesse ; mais il n’avait qu’à parler, à sourire, pour jeter dans l’ombre une nombreuse cohorte de dandys. C’était l’expression de sa physionomie qui était si sédui-