Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

examinée plus attentivement, de ne pas m’être assuré quelle créature c’était.

C’était peut-être un perce-oreille, un gros perce-oreille femelle, une femelle très-avancée dans cet état que désirent les perce-oreilles femelles qui ont de l’amour pour leurs époux ; J’ai une horreur profonde des perce-oreilles. Je crois fermement qu’ils entrent dans l’oreille. C’est là une question sur laquelle il serait inutile d’entamer avec moi une discussion philosophique. Je me rappelle parfaitement une histoire que m’a racontée Mme Primmins : comment une femme souffrit plusieurs années les maux de tête les plus atroces ; comment tous les secours des médecins furent impuissants (style d’épitaphe) ; comment elle mourut ; comment on fit l’autopsie de sa tête, et comment un nid de perce-oreilles, et quel nid, madame !… Les perce-oreilles sont les êtres les plus prolifiques, et ils ont une immense tendresse pour leurs petits. Ils couvent leurs œufs comme les poules, et les petits, dès qu’ils ont vu le jour, se réfugient sous leur mère pour trouver protection… C’est bien touchant ! Figurez-vous une colonie pareille logée dans votre tympan !

Mais cet animal était certainement plus gros qu’un perce-oreille. C’était peut-être un membre de la famille des forficulidæ, appelée labidoura, monstres dont les antennes ont trente articulations ! On trouve de ces insectes en Angleterre ; mais, au grand chagrin des naturalistes, la Providence a voulu qu’ils fussent très-rares ; grâces lui en soient rendues ! ils sont infiniment plus gros que le perce-oreille commun ou forficulida auriculana.

Était-il possible que ce fût un frelon précoce ? Assurément il avait la tête noire et de grandes antennes. J’ai une horreur plus grande encore, s’il se peut, des frelons que des perce-oreilles. Deux frelons tueraient un homme, et trois un cheval d’équipage de seize palmes.

Quoi qu’il en soit, l’animal était parti. Oui, mais où ? Où l’avais-je si inconsidérément jeté ? Il pouvait être tombé dans un pli de ma robe de chambre, ou dans mes pantoufles, ou dans toute autre cachette que les vêtements d’un homme bien né peuvent offrir aux perce-oreilles et aux frelons.

Voyant enfin que je ne suis pas seul dans la chambre, je me persuade autant que possible qu’il n’est pas sur moi. J’examine