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ne plus revoir ces yeux, ne plus entendre cette voix ! Oh ! plutôt mourir de ce suave poison que d’un exil si désolé !

Je me levai ; j’ouvris les fenêtres ; je parcourus la chambre à grands pas ; je ne pus rien décider, penser à rien ; j’étais tout bouleversé ! Je me rapprochai de la table avec un violent effort pour me vaincre. Je résolus de continuer forcément mon travail, ne fût-ce que pour recueillir mes facultés et leur donner la force de supporter mes tortures.

Je retournais les livres avec impatience, lorsque tout à coup au milieu d’eux qu’est-ce qui s’offre à mes regards, d’un air à la fois malicieux et plein de reproche ? La figure de Fanny elle-même. C’était son portrait en miniature. Il avait été fait, je le savais, quelques jours auparavant par un artiste que Trévanion protégeait. Je suppose que ce dernier l’avait emporté dans son cabinet pour l’examiner, et qu’il l’avait oublié là. Le peintre avait bien saisi l’expression particulière des traits de Fanny, son ineffable sourire si charmant et si plein de malice, même son attitude favorite, sa petite tête tournée sur son épaule arrondie comme celle d’Hébé, ses yeux qui regardaient le ciel de dessous les boucles de sa belle chevelure. Je ne sais quel nouveau changement se fit dans ma folie ; mais je tombai à genoux, et, couvrant de baisers la miniature, je fondis en larmes. Quelles larmes ! Je n’entendis pas ouvrir la porte ; je ne vis pas une ombre glisser sur le parquet. Mais une petite main vint se poser en tremblant sur mon épaule ; je tressaillis : Fanny elle-même était penchée sur moi !

« Qu’avez-vous ? me demanda-t-elle avec tendresse. Qu’est-il arrivé ?… Votre oncle… votre famille… tout le monde se porte bien ? Pourquoi pleurez-vous ? »

Je ne pus répondre ; mais je serrai étroitement la miniature dans mes mains, afin qu’elle ne vît pas ce que je tenais.

« Ne répondrez-vous pas ? Ne suis-je pas votre amie… presque votre sœur ?… Eh bien ! faut-il que j’appelle maman ?

— Oui… oui ! Allez, allez !

— Non, je n’irai pas encore. Qu’avez-vous là ? que cachez-vous ? »

Innocemment, comme ferait une sœur avec son frère, ses mains prirent les miennes… et le portrait fut découvert ! Il y eut un silence de mort. Je regardai Fanny à travers mes larmes. Elle avait reculé de quelques pas, ses joues étaient