Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que cela ! Mais faites comme vous voudrez ; vous me quittez sans vouloir me dire pourquoi ! Adieu. Que tardez-vous ? Donnez-moi la main, et partez !

— Je ne puis vous quitter ainsi ; je… je… La vérité sortira, monsieur. J’ai été assez téméraire, assez insensé, en voyant Mlle Trévanion, pour oublier que je suis pauvre, et…

— Ah ! interrompit Trévanion en pâlissant, voilà qui est malheureux, en vérité ! Et moi qui parlais de lire dans les caractères ! Ah ! nous autres hommes pratiques, nous sommes des sots… oui, des sots !… Et vous avez fait la cour à ma fille ?

— Monsieur ! Oh ! monsieur Trévanion ! jamais, non jamais je n’aurais été vil à ce point ! Dans votre maison, honoré de votre confiance… comment avez-vous pu le penser ? J’osais l’aimer peut-être ; je sentais du moins que je ne pourrais résister à une tentation trop forte. Mais le dire à votre fille ! demander son amour en retour ! J’aurais aussi bien pu forcer votre caisse. Je vous raconte franchement ma folie ; c’est une folie, mais non une chose déshonorante. »

Trévanion vint à moi brusquement. J’étais appuyé contre la bibliothèque ; il me prit la main avec cordialité et me dit :

« Pardonnez-moi ; vous vous êtes conduit comme devait se conduire le fils de votre père. Je lui envoie un pareil fils ! Maintenant, écoutez-moi. Je ne puis vous donner ma fille…

— Croyez-moi, monsieur, jamais je…

— Chut ! écoutez-moi. Je ne puis vous donner ma fille. Je ne parle pas d’inégalité… tous les hommes sont égaux ; et quand ils ne le seraient pas, toute insolente affectation de sa supériorité irait mal, en ces circonstances, à un homme qui doit sa fortune à sa femme ! Toutefois, j’ai dans le monde un rang qui n’est pas le produit de la fortune seulement, mais aussi du travail de toute ma vie, de l’immolation de la moitié de mon caractère, de la mortification incessante de tout ce qui faisait le bonheur et la joie de ma jeunesse : tout cela pour devenir la chose que l’Angleterre s’attend à trouver dans un homme d’État ! Je suis arrivé peu à peu au développement naturel de ma position, au pouvoir ! Je vous le dis, j’aurai bientôt de hautes fonctions dans le gouvernement. J’espère rendre de grands services à ma patrie ; car nous autres politiques anglais, quoi que disent de nous la populace et la presse, nous ne sommes pas d’é-