Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/260

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goïstes coureurs de places. Je refusai, il y a dix ans, la position à laquelle j’aspire aujourd’hui. Nous avons foi en nos croyances, et nous saluons le pouvoir qui peut les mettre en pratique. J’aurai des ennemis dans ce cabinet. Oh ! ne pensez pas que nous laissions la jalousie derrière nous aux portes de Downing-Street. Je ferai partie de la minorité. Je sais bien ce qui doit arriver. Comme tous les hommes qui sont au pouvoir, il faut que je me fortifie par d’autres têtes et d’autres mains que les miennes. Il faut que ma fille m’apporte l’alliance de la famille d’Angleterre dont j’ai le plus besoin. Ma vie s’écroulerait comme une pyramide de cartes élevée par un enfant, si je gaspillais, je ne dirai pas en votre faveur, mais en faveur d’hommes qui auraient dix fois votre fortune, quelle qu’elle soit, la force que j’ai à ma disposition dans la main de Fanny Trévanion. Voilà la fin à laquelle je vise ; c’est aussi le but des désirs de sa mère : car ces affaires domestiques, quoique non entièrement étrangères aux hommes, appartiennent plus particulièrement à la politique des femmes. Voilà pour nous. Quant à vous, mon ami au cœur franc et magnanime, si je n’étais pas le père de Fanny ; si j’étais votre plus proche parent ; s’il n’y avait qu’à demander Fanny pour l’avoir avec sa dot princière, car elle est princière ; je vous dirais : Fuyez un fardeau qui pèserait sur votre cœur, sur votre génie, sur votre énergie, votre fierté, votre courage ; un fardeau que pas un homme sur dix mille ne pourrait porter ; fuyez le malheur de tout devoir à votre femme ! C’est le renversement de la nature, c’est un coup porté à notre virilité. Vous ne savez pas ce que c’est ; je le sais trop, moi ! La fortune de ma femme ne lui vint qu’après notre mariage. Comme cela, c’était bien. On ne put me reprocher d’avoir couru après la fortune… Mais je vous le dis franchement, si elle n’était pas venue du tout, je serais plus fier, plus grand, plus heureux que je ne l’ai été jusqu’ici, que je ne le serai jamais avec tous ces avantages. Cette fortune a été comme une meule de moulin autour de mon cou ! Et pourtant jamais Ellinor n’a dit un mot qui pût blesser mon orgueil. Je voudrais que sa fille eût autant de délicatesse. Si fort que soit mon amour pour Fanny, je doute qu’elle ait le grand cœur de sa mère… Vous me regardez avec incrédulité ; c’est tout naturel. Oh ! vous pensez que je sacrifierai le bonheur de ma fille à l’ambition de l’homme politique. Folie