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Je le plongeai profondément dans le gneiss et le mica-schiste. Lorsque nous fûmes arrivés aux premières couches, je laissai les humeurs aqueuses des yeux se répandre sur des masses de cristaux qui se refroidissaient ; et quand je le fis pénétrer dans la période tertiaire, parmi les craies de transition de Maestricht et les marnes conchifères de Gosau, il était prêt à prendre une nouvelle femme. Ma chère Kitty, il n’y a pas là de quoi rire ! Je fis une cure non moins remarquable dans la personne d’un jeune étudiant de Cambridge qui se destinait à l’état ecclésiastique, lorsqu’il fut pris tout à coup d’un accès de philosophie accompagné de frissons, pour avoir voulu traverser à gué les profondeurs de Spinosa. Aucun des théologiens que j’essayai d’abord ne lui fit de bien ; aussi je m’adressai ailleurs et lui administrai doucement les chapitres sur la foi, du livre d’Abraham Tucker, que vous devriez lire, Sisty. Puis, je lui fis avaler de fortes doses de Fichte ; après quoi je lui fis prendre les métaphysiciens écossais, et lui recommandai quelques plongeons dans le transcendantalisme de certains Allemands. L’ayant convaincu que la foi n’est pas un état antiphilosophique de l’âme, et qu’il pouvait croire sans compromettre sa raison, car il était très-infatué de sa raison, je lui fis prendre mes théologiens, qu’il était désormais en état de digérer. Et depuis cette époque, sa constitution théologique est devenue si robuste, qu’il a déjà consommé deux cures et un doyenné !

« J’ai conçu un plan de bibliothèque dont les compartiments, au lieu d’être intitulés : Philologie, Sciences naturelles, Poésie, etc., porteraient les noms des maladies du corps et de l’âme que peuvent guérir les ouvrages qu’ils contiennent, depuis une grande calamité ou les douleurs de la goutte jusqu’à un accès de spleen ou un catarrhe. Pour cette dernière maladie, on prend une lecture légère avec une tisane de petit-lait et de l’eau d’orge. Mais, continua mon père plus gravement, lorsqu’un chagrin, qui est encore réparable, s’empare de votre esprit comme une monomanie ; lorsque vous vous imaginez, parce que le ciel vous a refusé ceci ou cela vers quoi vous aviez tourné votre cœur, que toute votre vie doit être stérile ; oh ! alors, traitez-vous par la biographie, celle des grands hommes et des hommes vertueux. Voyez combien un chagrin tient peu de place dans une vie. Peut-être a-t-on à peine con-