Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/269

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sacré une page à une douleur semblable à la vôtre. Voyez comme la vie sort triomphante de cette épreuve ! Vous croyez avoir l’aile brisée ! bah ! ce n’est qu’une plume de froissée. Voyez combien la vie occupe encore de feuillets après celui-là ! Cette vie est un composé de faits positifs étrangers à la région des chagrins et des souffrances, et qui s’enchaîne à l’existence du monde. Oui, la biographie est le vrai remède en ce cas. Roland, vous disiez que vous feriez l’essai de ma prescription. La voici. »

Et mon père tendit un livre au capitaine. Mon oncle y jeta un coup d’œil et lut : Vie du révérend Robert Hall.

« Frère, c’était un dissident, et, Dieu merci ! je suis dévoué à l’Église et à l’État.

— Robert Hall fut un brave, un vrai soldat du grand capitaine ! » répondit adroitement mon père.

Roland porta machinalement son index à son front selon l’usage militaire, et salua respectueusement le livre.

« J’en ai un autre exemplaire pour vous, Pisistrate. C’est le mien que j’ai prêté à Roland. Celui-ci, que j’ai acheté pour vous aujourd’hui, vous le garderez.

— Je vous remercie, dis-je avec indifférence, ne voyant pas quel grand bien pourrait me faire la Vie de Robert Hall, ni pourquoi le même remède convenait également au vieil oncle battu par la tempête, et au neveu qui n’avait pas encore vingt ans.

— Je n’ai rien dit, reprit mon père en inclinant légèrement son large front, je n’ai rien dit du Livre des livres, parce que c’est le lignum vitæ, le remède cardinal pour tous les maux. Les autres livres ne sont que des auxiliaires. Vous pouvez vous rappeler, ma chère Kitty, m’avoir entendu dire, auparavant, que nous ne pouvons jamais maintenir notre système en bon état, si nous ne posons au milieu du grand centre ganglionique, d’où les nerfs portent sa douce et salutaire influence à travers toute la machine… le sachet de safran ! »