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du mal. Cependant Squills serrait le pouls à mon père, et ma mère était suspendue à son cou.

« Quatre-vingt-seize… quatre-vingt-dix-sept ! soupira Squills d’une voix sourde.

— Je n’en crois rien ! s’écria mon père presque en colère ; jamais de ma vie je n’ai été si calme et bien portant !

— Et la langue ! regardez la langue, madame Caxton ; une langue si brillante, madame, qu’on pourrait lire à sa clarté !

— Oh ! Austin, Austin !

— Ma chère, ce n’est pas ma langue qui est en faute, je vous assure, dit mon père en parlant entre ses dents ; cet homme ne connaît pas plus ma langue que les mystères d’Éleusis.

— Montrez-la donc, s’écria Squills, et si elle n’est pas telle que je dis, je vous permets d’aller à Londres, et de jeter toute votre fortune dans les deux gouffres que vous lui avez creusés. Montrez-la !

— Monsieur Squills, dit mon père en rougissant, monsieur Squills, vous devriez être honteux.

— Cher, cher Austin ! votre main est brûlante… Je suis sûre que vous avez la fièvre.

— Pas le moins du monde.

— Mais, mon père, rien que pour contenter Squills, dis-je d’un ton câlin.

— La voilà ! la voilà ! » reprit mon père, se soumettant enfin et exhibant timidement le bout de l’organe vaincu de l’éloquence.

Squills y jeta ses yeux de lynx.

« Rouge comme un homard et âpre comme un groseillier à maquereau ! » s’écria-t-il avec une joie sauvage.


CHAPITRE III.

Comment était-il possible à une pauvre langue si injuriée, si persécutée, si humiliée, si insultée, si vilipendée, de résister à trois langues liguées contre elle ?