Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mon père nous regarda tous deux, et les larmes qui étaient jusque-là restées dans ses yeux coulèrent librement. Puis ouvrant ses bras, où Kitty se jeta toute joyeuse, il leva au ciel ses yeux humides, et je vis, au mouvement de ses lèvres, qu’il remerciait Dieu.

Je sortis sans faire de bruit. Je sentais qu’il fallait laisser ces deux cœurs battre et se confondre sans témoins. Je suis convaincu qu’à partir de cet instant Austin Caxton acquit une philosophie plus forte que celle des stoïciens. Il n’avait plus besoin de cette force qui dissimule le chagrin, car il n’avait plus de chagrin.


CHAPITRE V.

Nous achevâmes notre voyage sans aventure, M. Squills et moi, et presque sans conversation, attendu que nous n’étions pas seuls sur l’impériale. Nous descendîmes à une petite auberge de la Cité, et le lendemain matin je partis pour voir Trévanion, car nous croyions qu’il nous donnerait les meilleurs conseils. Mais en arrivant dans le square Saint-James, j’eus le désappointement d’apprendre que toute la famille était partie pour Paris trois jours auparavant, et qu’on ne l’attendait pas avant la réunion du parlement.

Il y avait de quoi se décourager, car j’avais compté beaucoup sur la sagesse de Trévanion, et sur ces rares qualités par lesquelles mon ancien patron se distinguait si éminemment en toutes sortes d’affaires qui se rapportaient à la vie pratique. La première chose maintenant, c’était de trouver l’avocat de Trévanion ; car Trévanion était un de ces hommes dont les avocats sont certainement capables et actifs. Mais le fait est qu’il laissait si peu de besogne aux hommes de loi, qu’il n’avait jamais eu occasion d’en appeler un pendant le temps que je l’avais connu, et j’ignorais par conséquent jusqu’au nom de son avocat. Le concierge qui gardait l’hôtel ne put me donner aucun renseignement. Heureusement je me