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Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/330

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tout débité d’un ton de fausset, comme s’il avait été appris par cœur, quoiqu’il fût nécessairement improvisé ; Puis, s’étant rassis, lord Castleton me fit un gracieux signe de la tête et de la main, comme pour m’autoriser à suivre son exemple.

La conversation s’engagea par secousses galvaniques et saccades spasmodiques, et lord Castleton sut si bien l’entraîner hors de ce qui entretenait ordinairement l’aimable causerie du pauvre sir Sedley, que cet homme charmant, accoutumé, ainsi qu’il le méritait bien, à être le coryphée de sa tablée, fut complètement réduit au silence. Avec ses lectures d’œuvres légères, ses riches trésors d’anecdotes, sa science du monde des salons, il trouvait à peine un mot à placer au milieu des grandes, rudes et sérieuses matières que lord Castleton attaquait, tout en grignotant ses rôties. On eût dit qu’il ne fallait rien moins que les sujets les plus graves et les points de vue les plus pratiques des intérêts de l’humanité pour attirer ce futur chef des humains.

Le fait est que lord Castleton avait étudié tout ce qui est relatif à la propriété, et c’est une science qui embrasse un cercle immense. On lui avait dit : « Vous aurez de vastes domaines, il est essentiel que vous possédiez cette science. Vous serez embarrassé, joué, dupé, tourné en ridicule tous les jours de votre vie, si vous ne savez pas tout ce qui attaque ou défend, tout ce qui diminue ou augmente la propriété. Vous avez un gros enjeu dans le pays ; il faut que vous connaissiez tous les intérêts de l’Europe, plus encore, tous ceux du monde civilisé : car ces intérêts réagissent sur le pays, et les intérêts du pays sont de la plus haute importance pour les intérêts du marquis de Castleton. » Aussi le jeune lord avait à sa disposition une demi-douzaine de phrases empesées pour discuter et décider l’état du continent, la politique de Metternich, la condition de la papauté, les progrès des dissidents, les meilleurs moyens à employer contre cet esprit général de démocratie qui est l’épidémie des monarchies européennes, les proportions relatives des populations agricoles et manufacturières, les lois sur les céréales, le système monétaire, les lois qui réglementent les salaires, le talent des principaux orateurs de la chambre des Communes (à cette dernière critique étaient toujours mêlées quelques observations sur l’importance d’engraisser le bétail), l’introduction du lin en Irlande, l’émigration, la condition des