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pauvres, les doctrines de M. Owen, la pathologie des pommes de terre, la connexion qu’il y a entre les pommes de terre, le paupérisme et le patriotisme, et autres sujets de réflexion non moins étonnants, qui se rattachaient tous, plus ou moins, à l’idée de la propriété castletonienne. Pour être juste, il faut dire que le jeune lord faisait preuve de beaucoup d’instruction et d’un esprit tourné vers les choses graves. Ce qu’il y avait de singulier, c’est que ces sujets ne fussent pas choisis et traités par quelque jeune avocat ou quelque économiste déjà mûr, plutôt que par ce magnifique lis des champs. D’un homme moins élevé en rang on aurait dit certainement : « Il a du talent, mais il est trop prétentieux. » Chez un personnage né pour une si grande fortune, et qui n’avait rien à faire qu’à se chauffer au soleil, il y avait réellement quelque chose de si respectable à se donner tant de peine et à daigner identifier ses intérêts, les intérêts de la propriété castletonienne, avec les intérêts de ses inférieurs, qu’on sentait que le jeune marquis avait en lui l’étoffe d’un homme très-considérable.

Le pauvre sir Sedley, à qui toutes ces choses étaient aussi peu familières que la théologie du Talmud, après avoir fait quelques vains efforts pour ramener la conversation sur un terrain plus facile, y renonça enfin. Avec un sourire de compassion sur sa belle figure, il se réfugia dans son fauteuil, où il se mit à contempler sa tabatière.

Enfin, à notre grand plaisir, le valet annonça la voiture de lord Castleton. Après m’avoir adressé un autre discours d’une affabilité accablante, lord Castleton serra froidement la main à sir Sedley et s’en alla.

La salle à manger donnait sur la rue, et je me tournai machinalement du côté de la fenêtre pendant que sir Sedley suivait son hôte. Une voiture de voyage attelée de quatre chevaux attendait à la porte ; et un domestique, qui paraissait étranger, avait sur le bras le manteau de son maître. Lorsque je vis lord Castleton s’avancer dans la rue et s’envelopper de ce précieux manteau garni de zibeline, je remarquai mieux que dans la chambre sa taille frêle et énervée et la pâleur étrange de son visage maigre et triste. Puis, au lieu d’envie, ce fut de la compassion que j’éprouvai pour le possesseur de tant de pompe et de grandeur ; je sentis que je n’échangerais pas ma robuste santé, mon caractère content, la facilité que j’avais de