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oreille le bout d’une espingole. Tout Pater-Noster-Row s’était écrié : « Dieu nous en préserve ! » Les Erreurs humaines ne trouvèrent aucun homme qui fût assez leur victime pour compléter à ses frais ces deux in-quarto, qui devaient être suivis de deux autres. J’avais espéré que mon père, pour l’amour de l’humanité, se laisserait persuader de risquer encore une partie de sa fortune (et ce n’eût pas été peu de chose) pour achever une entreprise commencée avec tant de soin. Mais il se montra opiniâtre dans sa résistance. Les grands mots d’humanité et d’intérêt des générations à venir ne purent l’ébranler.

« Allons donc, répliquait M. Caxton avec humeur, les devoirs d’un homme envers l’humanité et la postérité commencent à son propre fils ; et, après avoir gaspillé la moitié de votre patrimoine, je ne veux pas encore couper une grosse tranche de ce peu qui vous reste pour satisfaire ma vanité : car, franchement, il ne s’agit que de cela. Il faut que l’homme expie son péché. J’ai péché par le livre, c’est par le livre que j’expierai. Empilez ces feuilles dans le cabinet, afin qu’un homme, du moins, devienne plus sage et plus humble à la vue des Erreurs humaines, chaque fois qu’il passera à côté de ce qui en est un si prodigieux monument. »

Vraiment, je ne sais pas comment mon père pouvait regarder ces muets fragments de lui-même, ces stratifications de formation caxtonienne, gisant couches par couches, empaquetées et disposées pour le génie investigateur de quelque Murchison ou Mantell du monde moral. Moi, je ne jetais jamais un coup d’œil sur leur sombre repos dans le cabinet, sans penser : « Courage Pisistrate ! courage ! Voilà qui vaut qu’on tienne à la vie. Travaillons ferme, devenons riche, et le grand ouvrage sera publié un jour. »

Cependant, je parcourais pays, je faisais connaissance avec les fermiers, avec l’intendant de Trévanion, homme capable et grand agriculteur. J’appris d’eux à mieux connaître la nature des domaines de mon oncle. Ces domaines couvraient un terrain immense ; mais, sauf une petite ferme, ils n’avaient alors aucune valeur. Pourtant des terres de même qualité avaient été récemment améliorées par une simple méthode de drainage, que tout le monde connaît à présent dans le Cumberland. Avec des capitaux, les marais stériles de mon oncle Roland pouvaient donc devenir une superbe propriété.