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nisation grecque, qui envoyait au dehors non-seulement les pauvres, le rebut d’un État trop populeux, mais encore une grande proportion d’hommes supérieurs, des individus pleins de moelle et de sève comme vous. Elle confondait, dans ces sages cleruchiæ, une certaine partie de l’élément aristocratique avec l’élément démocratique ; elle ne lâchait pas la canaille sur un sol vierge, mais elle plantait dans les établissements étrangers tous les rudiments d’un ensemble harmonieux, analogue à celui de la mère-patrie ; non-seulement elle se débarrassait des bouches affamées, mais elle donnait une issue à cette surabondance d’intelligence et de courage, qui est réellement inutile dans l’État et produit souvent plus de mal que de bien, qui menace sans cesse nos digues artificielles, tandis qu’emportée dans un aqueduc elle peut vivifier le désert.

Pour moi, dans mon idéal de colonisation, j’aimerais que chaque exportation d’hommes eût, comme autrefois, ses guides et ses chefs. Ils ne seraient pas désignés uniquement par leur rang : on les choisirait souvent dans les classes plus humbles ; mais il faudrait pourtant qu’un certain degré d’éducation leur eût donné la promptitude, la pénétration et l’aptitude à captiver la confiance de leurs compagnons. Les Grecs comprenaient cela. Puis, à mesure que la colonie ferait des progrès, que sa ville principale s’élèverait à la dignité de capitale (de πόλις ayant besoin de politique), peut-être serait-il sage d’aller plus loin encore, non-seulement d’y transplanter un modèle plus parfait de civilisation, mais encore de la rattacher plus étroitement à la mère-patrie, et de faire écouler plus facilement de l’une dans l’autre la surabondance d’intelligence, de capacité et de civilité, en y exportant les rejetons superflus de la royauté elle-même. Je sais qu’un grand nombre de mes amis, plus libéraux que moi, rejetteraient cette idée ; mais je suis sûr que, lorsque la colonie serait arrivée à un état capable d’accepter cette importation, elle n’en prospérerait que mieux. Et quand viendrait ce jour, qui doit venir tôt ou tard pour toute colonie saine, où l’établissement se transformerait en État indépendant, peut-être aurions-nous posé les germes d’une constitution et d’une civilisation semblables aux nôtres. La monarchie et l’aristocratie s’y seraient développées sous des formes plus simples que dans les vieilles sociétés, et nous ne