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que de passer six mois sur douze en prison, et de finir sa vie à la potence, après avoir tué un garde-chasse. Telle était probablement la destinée qui l’attendait dans le vieux monde, et je lui inspirai un désir ardent d’aller s’établir dans le nouveau. Il me fut d’un grand secours dans le nouveau Bocage.

Mon troisième choix tomba sur un personnage qui ne pouvait nous apporter que peu de force physique, mais qui avait plus d’esprit que tous les autres ensemble, quoique cet esprit fût un peu de travers.

Un digne couple du village avait eu un fils grêle et chétif, en comparaison des autres Cumberlandais. Exclu pour cela des travaux agricoles, il s’en alla, encore enfant, dans une ville manufacturière. Or, vers l’âge de trente ans, une longue maladie mit cet artisan hors d’état de travailler, et il revint à la maison pour y rétablir sa santé. Bientôt nous n’entendîmes plus parler que des doctrines pestilentielles qui offensaient ou infectaient nos villageois primitifs. Corcyre même n’engendra jamais, disait-on, démocrate plus terrible. Le pauvre homme était réellement très-malade et ses parents très-pauvres ; mais ses malheureuses doctrines avaient tari tous les ruisseaux de charité qui traversaient ordinairement notre paisible hameau. L’ecclésiastique (excellent homme, mais de la vieille école) passait devant sa demeure comme devant un lieu frappé d’interdit. L’apothicaire disait : « Miles Square devrait avoir du vin, » mais il ne lui en envoyait pas. Les fermiers exécraient son nom, car il avait poussé tous les journaliers à se mettre en grève pour avoir un schelling de plus par semaine. Et sans la vieille tour, Miles Square aurait bientôt trouvé le chemin de la seule république où il pouvait obtenir cette fraternité démocratique après laquelle il soupirait, le cimetière étant, je pense, la seule communauté où règne cette plate et mortelle égalité sociale que partout la vie abhorre si cordialement.

Mon oncle alla voir Miles Square, et revint la figure pourpre. Miles Square lui avait prêché un long sermon sur l’impiété de la guerre.

« Même pour la défense de votre roi et de votre patrie ! » s’était écrié le capitaine.

Miles Square avait répliqué 1o  par une remarque sur les rois en général, que le capitaine n’aurait pu répéter sans craindre de voir la vieille tour s’écrouler sur sa tête ; 2o  par une observa-