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d’inventions pour se débarrasser de la fumée ! Tout le monde ne se contente pas d’élever sa cheminée ; il est des gens qui coiffent ce bourreau creux de toutes sortes de bonnets et de capuchons. Ici, des inventions brevetées jouent le rôle de girouettes, tournant à tous les vents ; là, d’autres se tiennent aussi fixes que si elles avaient arrangé l’affaire par un sic jubeo. Mais de toutes les maisons devant lesquelles on passe dans une rue, sans se douter de ce qui se fait dans l’intérieur, il n’en est pas une sur cent où ce n’ait pas été le diable à chasser, que de guérir les cheminées de la fumée ! À cette réflexion, la philosophie abandonne le sujet et conclut que, soit que l’on vive dans une hutte ou dans un palais, la première chose à faire est d’examiner le foyer et de se débarrasser des vapeurs.

De nouvelles beautés nous réclament. Quelles ondulations sans fin dans ces toits qui montent et descendent ! ici un toit oblique, là un toit en zigzag. Quel majestueux dédain dans celui qui se dresse à gauche ! C’est sans doute un palais de génies ou gin[1] ; car tel est le nom arabe de ces êtres employés par Aladin, et qui de rien bâtissaient des palais. Combien vos rêveries sont calmes, aussi longtemps que vous ne voyez que le toit de ce palais se dessinant en lignes hardies sur le ciel ! Peut-être une étoile scintille au-dessus de lui, et vous songez à de doux yeux qui sont bien loin. Mais au-dessous, sur le seuil… non, fantômes, nous ne vous apercevons pas de notre mansarde. Remarquez là-bas cette pente rapide ; comme ce toit descend délabré et déchiqueté dans cette sombre gorge ! Celui qui traverserait à pied ce défilé, dont nous ne voyons que les hauteurs pittoresques, se boucherait le nez, détournerait les yeux, mettrait la main sur sa poche, et passerait précipitamment par ce sale repaire des hideux lazzaroni de Londres. Mais d’en haut, quelle magnifique brèche dans l’horizon ! Ce serait un sacrilège de remplacer cette belle gorge par la mortelle platitude de tant d’autres toits.

Quel délicieux spectacle de ce côté ! Voyez cette maison désolée qui n’a plus de toit du tout, écorchée et éventrée qu’elle a été par le dernier incendie ! Vous apercevez le pauvre papier

  1. Il faudrait ici djinn, et c’est ainsi que se prononce le mot anglais gin, que nous avons conservé parce qu’on appelle palais de gin les brillantes boutiques où se débitent les spiritueux. (Note du traducteur.)