Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/420

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— Tout le monde pourtant, et ceux même qui n’ont pas connu le feu lord, ont dû être frappés de la mort d’un homme si jeune et qui promettait tant.

— Et qui était si propre à porter le fardeau des domaines et du grand nom de Castleton ! Vous voyez cependant, c’est ce qui l’a tué ! Ah ! s’il n’avait été qu’un simple gentilhomme, ou s’il n’avait pas été si consciencieux à remplir ses devoirs, il serait arrivé à une bonne vieillesse… Je sais déjà ce que c’est. Oh ! si vous voyiez quel monceau de lettres sur ma table ! La poste me fait peur, je vous assure ! C’est à moi d’achever tant d’améliorations colossales que le pauvre garçon avait commencées sur ses terres. Que pensez-vous qui m’appelle chez Fudge et Fidget ? Ces hommes sont les agents d’une infernale houillère que mon cousin a rouverte à Durham, pour tourmenter ma vie d’un revenu de trente mille livres de plus. Comment dépenser tout cet argent ?… Oui, comment ? J’ai un intendant à tête froide qui prétend que la charité est le plus grand crime dont puisse se rendre coupable un homme haut placé ; elle démoralise le pauvre. Et puis, parce qu’une demi-douzaine de fermiers se sont réunis pour signer une pétition à l’effet de déclarer que leurs baux étaient trop élevés, et parce que je leur ai répondu que ces baux seraient abaissés, il y a eu un vacarme tel… qu’on aurait cru que ciel et terre allaient se confondre. Si un homme, dans la position du marquis de Castleton, donnait l’exemple d’affermer la terre au-dessous de sa valeur, comment feraient pour exister les propriétaires plus pauvres du comté ? et s’ils ne mouraient pas de faim, quelle injustice de les exposer à l’accusation d’être des hommes rapaces, des vampires, des sangsues ! Il était clair que, si lord Castleton abaissait ses baux déjà trop bas, il porterait un coup mortel au bien de ses voisins s’ils suivaient son exemple, ou à leur réputation s’ils ne le suivaient pas. Il faut que la fortune vous donne cent mille livres sterling de rente en vous disant : « À présent faites du bien ! » pour que vous puissiez comprendre toute la difficulté qu’il y a à faire le bien. Sedley Beaudésert était libre de satisfaire ses caprices ; tout ce qu’on pouvait dire contre lui, c’est qu’il était un bon enfant, un homme simple et naïf. Mais que lord Castleton se livre à ses fantaisies, on croirait qu’il est un second Catilina, qu’il trouble le repos et mine la prospérité de toute la nation !