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Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/421

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Ici l’infortuné s’arrêta et poussa un profond soupir ; puis, ses pensées se tournant vers un nouveau sujet de douleur, il reprit :

« Ah ! si vous voyiez la grande maison perdue qu’il faut que j’habite, enfermé dans ses froides murailles, au lieu de mes jolies chambres ayant vue sur le parc ! Si vous saviez les bals qu’il faut que je donne ! et les influences électorales qu’il faut que je conserve ! et l’odieuse proposition qui m’a été faite de devenir grand sénéchal ou grand chambellan, sous prétexte qu’il convient à un homme de mon rang d’être une espèce de domestique ! Ah ! Pisistrate ! heureux coquin que vous êtes, de n’avoir pas encore vingt et un ans, ni deux cents guinées de rente ! »

Le pauvre marquis continua ainsi à se lamenter et à déplorer son triste sort, jusqu’à ce qu’il s’écria enfin avec un accent de désespoir plus profond encore :

« Et tout le monde dit aussi qu’il faut que je me marie, pour ne pas laisser s’éteindre la race des Castleton ! Les Beaudésert sont une assez bonne vieille famille… aussi vieille, ce me semble, que celle des Castleton ; pourtant l’empire britannique ne s’en porterait pas plus mal s’ils descendaient dans la tombe des Capulets. Mais laisser s’éteindre la pairie Castleton ! c’est une pensée coupable, une calamité contre laquelle toutes les mères d’Angleterre s’insurgeraient en masse. Ainsi donc, au lieu de punir les enfants des péchés du père, c’est le père qui doit se sacrifier pour le plus grand bien de la troisième ou quatrième génération. »

Malgré mes raisons d’être sérieux, je ne pus m’empêcher de rire. Mon compagnon tourna vers moi un regard de reproche.

« Au moins, dis-je en prenant un air grave, lord Castleton a une consolation dans son malheur ; s’il est forcé de se marier, il peut choisir qui lui plaît.

— C’est précisément ce que pouvait Sedley Beaudésert, et ce que ne peut faire lord Castleton, répliqua tristement le marquis. Le rang de sir Sedley Beaudésert était un rang tranquille et confortable, qui lui permettait d’épouser la fille d’un curé ou celle d’un duc, de satisfaire ses yeux ou de se déchirer le cœur, suivant son caprice. Lord Castleton se marie, non pas pour avoir une femme, mais pour avoir une marquise. Il faut