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l’honneur !… » Mais alors, alors, Dieu vit que j’étais orgueilleux, et je fus puni… Dites qu’on aille plus vite, plus vite… nous avançons d’un pas d’escargot. »

Nous voyageâmes sans nous arrêter toute une nuit et le jour suivant jusque vers le soir, et nous ne prîmes d’autre nourriture qu’une croûte de pain et un verre de vin. Mais nous rattrapions le terrain perdu, et nous gagnions sur la voiture. La nuit était venue lorsque nous arrivâmes au relais où la route se bifurque en deux embranchements, dont l’un conduit à la terre de lord N…, tandis que l’autre mène directement au Nord. Là, nous fîmes nos questions ordinaires, et mes pires soupçons furent confirmés. La voiture que nous poursuivions avait changé de chevaux une heure auparavant ; mais elle n’avait pas pris le chemin de l’habitation de lord N… ; elle avait suivi la route d’Écosse. Les gens de l’auberge n’avaient pas vu la jeune dame dans la voiture, car il faisait déjà sombre ; mais le laquais (dont ils nous dépeignirent bien la livrée) avait commandé les chevaux.

Ici s’évanouit le dernier espoir que, malgré les apparences, nous avions conservé. La trahison était évidente. Le capitaine parut d’abord plus déconcerté que moi-même, mais il se remit plus promptement. « Nous allons continuer notre route à cheval, » dit-il en courant à l’écurie. Toute objection se dissipa à la vue de son or. Cinq minutes après nous étions en selle, avec un postillon également à cheval pour nous accompagner. Nous fîmes le relais en un peu plus que les deux tiers du temps que nous aurions mis à le parcourir en chaise… et je vous assure que j’eus peine à rester de front avec Roland. Nous remontâmes ; nous n’étions plus qu’à vingt-cinq minutes de la voiture. Nous comptions l’attraper avant qu’elle eût atteint la ville prochaine. La lune brillait au ciel. Nous voyions bien loin devant nous. Nous allions ventre à terre. Les bornes milliaires semblaient fuir derrière nous… mais de voiture point. Nous arrivâmes à la ville, ou plutôt au village du relais ; il n’y avait qu’une maison où l’on louât des chevaux. Nous eûmes peine à réveiller les palefreniers. Aucune voiture ne nous avait précédés… aucune voiture n’avait passé depuis midi.

Quel était ce mystère ?

« Retournons sur nos pas, mon garçon ! dit Roland avec la prompte résolution d’un soldat ; et en éperonnant son cheval