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scène, lui suggéra le plan d’un complot auquel l’intelligence plus vive de Vivian donna aussitôt un corps et la vie. Peacock avait trouvé la femme de chambre de Mlle Trévanion prête à tout ce qui lui assurerait un mari et un contrat de rente. Deux ou trois lettres échangées entre eux avaient fixé les engagements préliminaires. Un ami de l’ex-comédien avait naguère acheté une auberge sur la route du Nord ; on pouvait compter sur lui. Il fut décidé que Peacock y amènerait Mlle Trévanion, grâce au concours de la soubrette, et que Vivian l’y rencontrerait. La difficulté qui restait eût semblé la plus grande à tout autre que Vivian. Il ne s’agissait en effet de rien moins que d’obtenir le consentement de Mlle Trévanion à un mariage écossais ; mais Vivian espérait tout de son éloquence, de ses artifices, de son amour. Par une inconséquence étrange, mais naturelle à un jugement aussi faux que le sien, il s’imaginait qu’en insistant auprès de Fanny sur l’intention où étaient ses parents de sacrifier sa jeunesse à l’homme même dont il était le plus jaloux, sur la disproportion d’âge, sur ce qu’il pouvait y avoir de ridicule dans les faiblesses et les frivolités de son rival ; qu’en répétant les lieux communs de beauté vendue par l’ambition, etc., il parviendrait à l’effrayer au point de se faire préférer. Le moment de l’exécution du complot approchait. Peacock prétexta, pour s’absenter quelques jours, une visite à rendre à un parent malade. Vivian avait lui-même obtenu un congé, la veille, sous prétexte de voir les environs si pittoresques du château de lord N… Ainsi arriva la catastrophe.

Ne pouvant plus contenir mon indignation, je m’écriai : « Est-il besoin de vous demander comment Mlle Trévanion accueillit votre monstrueuse proposition ? »

Les joues pâles de Vivian pâlirent davantage, mais il ne répondit pas.

— Et si nous n’étions pas arrivés, qu’eussiez-vous fait ? Oh ! pouvez-vous plonger vos regards dans le gouffre d’infamie auquel vous avez échappé ?

— Je ne puis ni ne veux supporter ce langage ! s’écria Vivian en se levant. J’ai mis mon cœur à nu devant vous, et il n’est ni généreux ni digne d’appuyer ainsi sur mes blessures. Vous pouvez moraliser, vous pouvez parler froidement ; mais moi… j’aimais !

— Et pensez-vous que je n’aimais pas aussi, moi ? J’ai aimé