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fois sur cent, c’est la faute des émigrants et non celle de la colonie.

Pour faire d’un petit capitaliste un riche bushman, il ne faut pas tant une grande intelligence qu’une tournure d’esprit particulière et une heureuse combinaison de qualités naturelles, un caractère facile et un esprit prompt.

Si je dus quelque chose à la nature, je ne fus pas moins redevable à la fortune. J’achetai mes moutons à un peu plus de sept schellings la pièce. À mon départ, ils en valaient tous au moins quinze, et les plus gras se vendaient une livre. J’avais un excellent berger, et je ne m’occupais jour et nuit que d’améliorer mes troupeaux. J’eus aussi le bonheur d’arriver en Australie avant que le système auquel on a donné à tort le nom de Wakefield eût diminué les offres du travail et élevé le prix des terres. Lorsque ce changement eut lieu, la valeur de ma propriété s’accrut considérablement. Il en fut de même pour tous ceux qui avaient de vastes terres et de grands capitaux, quoique ce système portât un coup terrible aux intérêts généraux de la colonie. Ma station de gros bétail tripla au bout de cinq années la somme que j’y avais employée, sans compter ce que je retirai de la vente que j’en fis et qui fut très-avantageuse. J’eus du bonheur dans ma spéculation sur les terres du Port-Philippe, grâce aux conseils de l’oncle Jack. Enfin, je quittai le pays à temps, et j’échappai à une crise désastreuse pour la colonie, crise que je prends la liberté d’attribuer entièrement aux malencontreuses idées des théoriciens d’Angleterre, qui veulent régler toutes les horloges sur celles de Greenwich, oubliant que le soleil se lève sur une partie du monde à l’heure où l’on sonne le couvre-feu dans l’autre.


CHAPITRE II.

Me voici de nouveau à Londres ! Comme je me sens étranger, seul, perdu dans les rues ! Je suis honteux de ma force et de ma santé, lorsque je vois ces membres grêles, ces dos voûtés,