Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/560

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lence l’amusante conversation, parce qu’elle roulait sur les anecdotes d’un monde qui m’était étranger depuis longtemps, l’un des deux s’écria :

« Ma foi ! je ne connais pas de plus excellente personne que lady Castleton ; elle aime tant ses enfants, et ses manières avec son mari sont si bien ce qu’elles doivent être : part égale d’affection et de respect. C’est d’autant plus honorable pour elle qu’elle n’en était pas amoureuse, dit-on, lorsqu’elle l’épousa… et certes, quelque bien qu’il soit, il a deux fois son âge ! Il n’y avait pas de femme plus courtisée ni plus adulée par les Lothario et les séducteurs que lady Castleton. Je confesse à ma honte que le bonheur de son mari me met dans l’embarras, car c’est une exception à la règle générale que l’expérience m’a apprise.

— Mon cher, » dit l’autre, un de ces sages du plaisir qui nous étonnent quelquefois par leur savoir et se contentent pourtant d’une célébrité de salons, un de ces hommes qui paraissent toujours désœuvrés et qui semblent cependant avoir tout lu, toujours indifférents à ce qu’ils voient, et connaissant pourtant le caractère et les secrets de chacun, « mon cher, vous ne seriez pas embarrassé, si vous aviez étudié lord Castleton au lieu d’étudier sa femme. De toutes les conquêtes de Sedley Beaudésert (et vous savez que deux des plus belles dames du Faubourg se sont battues en duel au bois de Boulogne pour se disputer ses sourires), aucune ne lui a coûté autant de peine, aucune n’a mis autant à contribution sa connaissance du sexe, que la conquête de sa femme après son mariage. Il ne s’est pas contenté de sa main, il a voulu avoir son cœur, une chrysolithe parfaite, et il a réussi ! Jamais mari ne fut aussi vigilant et aussi peu jaloux ; jamais mari ne se confia plus généreusement aux meilleurs sentiments de sa femme, tout en s’empressant de la protéger et de la défendre sur les points où elle était le plus faible. Lorsque dans la seconde année de leur mariage, le prince von Leibenfels s’attacha avec tant de persévérance à lady Castleton, et que les marchands de scandale dressèrent les oreilles, espérant une victime, je regardais Castleton avec autant d’intérêt que j’aurais regardé Deschapelles jouant aux échecs. Jamais on n’a rien vu d’aussi maîtrement joué. Il se campa contre Son Altesse avec la froide confiance, non pas d’un mari aveugle, mais d’un rival heureux. Il le surpassa par la délicatesse de ses attentions, il l’éclipsa par son insouciante magni-