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« C’est à vous, lui a-t-il dit, que Trévanion doit s’adresser pour obtenir plus que des consolations. Il faut que vous le rendiez heureux et satisfait. Votre fille vous a quittés, le flot du monde se retire ; il faut que vous soyez tout l’un pour l’autre. Faites qu’il en soit ainsi. »

Après avoir suivi des sentiers si divers, ceux qui s’étaient séparés dans leur jeune âge se rencontrèrent ainsi sur les confins de la vieillesse. Sur la même scène où Ellinor et Austin s’étaient vus pour la première fois, celui-ci vient guérir les blessures de l’ambition qui les a séparés, et tous deux se concertent pour assurer le bonheur du rival que celle-là a préféré.

Voir Trévanion et Ellinor se rapprocher plus intimement, après tous les soucis de la vie politique, et connaître pour la première fois les charmes de la vie privée, c’eût été un beau sujet pour un élégiaque comme Tibulle.

Mais pendant ce temps un amour plus jeune, dont l’histoire ne contient aucune page à déchirer, a joui paisiblement des douceurs de l’été. « Deux cœurs que ne sépare aucun artifice sont bien près l’un de l’autre, » dit un proverbe qu’on fait remonter à Confucius. Ô jours de soleil sans nuage, jours qui reflétiez notre bonheur ; ô retraites chéries, rendues plus chères encore par un regard, un mot, un sourire, ou par le silence du ravissement ! Chaque heure me révélait quelque perfection nouvelle dans ce caractère si tendre et si réservé, si sérieux et si gai, si plein d’amour et d’une poésie qui donnait de la grâce aux travaux les plus vulgaires de la vie ! la nature et la fortune concouraient également à notre bonheur. Égaux par la naissance, partageant les mêmes goûts, aimant l’activité et contents de la trouver autour de nous, n’enviant pas les riches, ne cherchant pas à rivaliser avec les grands, notre caractère nous faisait toujours voir la vie sous son aspect le plus riant ; et nous trouvions des sources de plaisir, des oasis de verdure là où les yeux accoutumés aux villes n’auraient pu découvrir que des sables arides ou un mirage trompeur. Tandis que j’étais en Australie, j’avais obéi, comme c’est le devoir de tout homme, à la loi du travail ; j’avais lutté contre la mauvaise fortune, réparé nos pertes et appris ce que vaut l’amour au milieu des graves réalités de la vie. Et cependant le ciel faisait croître au seuil de la maison paternelle le jeune