Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que possible et se glissa le long du mur à gauche ; au même instant la fille se tourna brusquement pour frotter à sa droite, et obstrua complètement par cette manœuvre l’étroite issue à travers laquelle l’espoir venait de poindre aux yeux de son prisonnier. Mon oncle s’arrêta immobile ; et, à vrai dire, il n’aurait pu avancer d’un pouce sans se trouver personnellement en contact avec les charmes arrondis qui bloquaient ses mouvements. Mon oncle ôta son chapeau et se gratta le front, en proie à une grande perplexité. En ce moment, par un léger tour de ses flancs, l’ennemi, tout en lui laissant la faculté de retourner sur ses pas, lui enleva toute chance de sortir de ce côté. Mon oncle se hâta de faire retraite et se présenta devant l’aile droite de l’ennemi. Il avait à peine fait cette évolution que, sans regarder derrière elle, celle qui faisait le blocus poussa de côté le seau qui gênait ses opérations et le plaça de manière à former une barricade redoutable, que la jambe de mon oncle ne pouvait songer à franchir. Aussi le capitaine Rolland leva vers le ciel des yeux qui imploraient du secours, et je l’entendis s’écrier distinctement :

« Plût à Dieu que ce fût une créature en culotte ! »

Heureusement en ce moment la servante tourna la tête. À la vue du capitaine, elle se leva aussitôt, recula le seau et tira une révérence effrayée.

Mon oncle Roland porta la main à son chapeau.

« Je vous demande mille pardons, ma brave fille, dit-il ; et après un léger salut il se glissa dehors.

— Vous avez la politesse du soldat, oncle, dis-je en passant mon bras sous celui du capitaine Roland.

— Chut ! mon garçon, dit-il avec un grave sourire et en rougissant jusqu’aux tempes ; chut ! dites du gentilhomme. Pour nous toute femme est une dame, de par le droit de son sexe. »

Or, j’ai eu souvent, depuis, l’occasion de me rappeler cet aphorisme de mon oncle ; et il m’a expliqué comment un homme si plein de préjugés sur le chapitre de l’orgueil de race n’a jamais regardé comme une faute, de la part de mon père, d’avoir épousé une femme dont la généalogie était aussi courte que celle de ma mère. Elle eût été une Montmorency que mon oncle n’eût pu se montrer plus respectueux et plus galant qu’il ne l’était envers l’humble descendante des Tibbets. Il avait