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CHAPITRE VII.

L’histoire de mon oncle Roland.

« Ce fut en Espagne, peu importe où ni comment, que le sort me fit faire prisonnier un officier français du même grade que moi ; j’étais alors lieutenant. Il y avait entre nous une si grande similitude de sentiments que nous devînmes intimes amis ; ce fut l’ami le plus intime que j’aie jamais eu, ma sœur, en dehors de ce cercle si cher. C’était un rude soldat que le monde n’avait pas bien traité, mais qui ne lui en faisait jamais de reproches et qui soutenait n’avoir eu que selon ses mérites. L’honneur était son idole, et le sentiment de l’honneur lui tenait lieu de tout.

« Nous étions alors tous deux volontaires au service de l’étranger, dans ce pire des services, la guerre civile ; lui d’un côté, moi de l’autre, chacun de nous peut-être mécontent de la cause qu’il avait épousée. Nos relations de famille aussi étaient à peu près pareilles. Il avait un fils qui était tout pour lui dans ce monde, après sa patrie et son devoir. Moi aussi, j’avais alors un fils, quoique de quelques années plus jeune. »

Le capitaine s’arrêta un instant : nous échangeâmes quelques coups d’œil, et tous ceux qui l’écoutaient éprouvèrent une sensation douloureuse et suffocante.

« Nous avions coutume, frère, de parler de ces enfants, de nous représenter leur avenir, de comparer nos espérances et nos rêves. Nous espérions, nous rêvions la même chose. Il ne nous fallut que peu de temps pour nous faire ces confidences. Mon prisonnier fut envoyé au quartier général et bientôt après échangé.

« Je le perdis de vue jusqu’à l’année dernière. Me trouvant alors à Paris, je m’informai de mon vieil ami et j’appris qu’il habitait R…, à quelques milles de la capitale. Je lui rendis visite. Je trouvai sa maison vide et déserte. Ce jour-là même on l’avait conduit en prison sous la prévention d’un crime