Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/90

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terrible. J’allai le voir dans sa prison, et c’est de sa propre bouche que j’ai appris son histoire. Son fils avait été élevé, du moins il aimait à le croire, dans les habitudes et les principes des hommes d’honneur ; et lorsqu’il eut achevé son éducation, il vint habiter R… avec lui. Le jeune homme avait coutume d’aller souvent à Paris. Un jeune Français aime le plaisir, et le plaisir se trouve à Paris. Le père ne voyait en cela rien que de naturel, et privait sa vieillesse de quelques douceurs pour subvenir aux folles dépenses de son fils.

« Peu de temps après l’arrivée du jeune homme, mon ami s’aperçut qu’on le volait. L’argent qu’il gardait dans son bureau était soustrait, il ne savait comment et ne pouvait deviner par qui. Cela devait se faire la nuit. Il se cacha et fit le guet. Il vit un fantôme glisser furtivement ; il vit une fausse clef appliquée à la serrure ; il s’élança en avant, saisit le coupable et reconnut son fils ! Que devait faire le père ? Ce n’est pas à vous que je le demande, sœur ; c’est à ces hommes. C’est à vous, fils, à vous, père, que je le demande.

— Le chasser de la maison ! m’écriai-je.

— Il devait faire son devoir et corriger le malheureux, dit mon père. Nemo repente turpissimus semper fuit.

— Le père fit ce que vous lui auriez conseillé, frère. Il garda le jeune homme, il lui fit des remontrances ; il fit plus… il lui donna la clef du bureau : « Prenez ce que je puis vous donner, dit-il ; j’aime mieux être réduit à la mendicité que de savoir mon fils voleur. »

— Très-bien ! Le jeune homme se repentit et devint un honnête homme ? » demanda mon père.

Le capitaine Roland secoua la tête.

« Le jeune homme promit de se corriger et parut se repentir. Il parla des tentations de Paris, de la table de jeu ; de quoi ne parla-t-il pas ? Il cessa ses visites de tous les jours à la capitale. Il parut s’appliquer à l’étude… Quelque temps après, le voisinage fut alarmé par des récits de vols nocturnes sur la route. Des hommes masqués et armés dépouillaient les voyageurs et faisaient même effraction dans les maisons.

« La police prit l’alerte. Un soir, un ancien frère d’armes frappa à la porte de mon ami. Il était tard. Le vétéran (il était privé d’une jambe, comme moi… étrange coïncidence), le vétéran était au lit. Il s’empressa de se lever, lorsque son do-