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se remplit rapidement de curieux arrachés au sommeil. Tout le monde se levait, et la foule se précipitait autour de la maison pour savoir quel crime ou quelle honte avait fait irruption dans la demeure du vieux soldat.

« Soudain retentit dans cette maison la détonation d’une arme à feu : une minute après, la porta de devant s’ouvrit et le soldat apparut sur le seuil. « Entrez, dit-il aux gendarmes ; que voulez-vous ?

— Nous cherchons un voleur caché dans cette enceinte.

— Je le sais. Montez, et vous le trouverez ; je vais vous montrer le chemin. »

« Il monta l’escalier et ouvrit la chambre de son fils ; les officiers de justice s’y précipitèrent. Sur le plancher était étendu le cadavre du voleur.

« Ils se regardèrent étonnés.

« Prenez ce qui vous reste, dit le père. Prenez le mort arraché au bagne, prenez le vivant dont les mains sont encore souillées du sang du mort ! »

« J’assistai au procès de mon ami. La vérité s’était répandue avant le jugement. Il était là avec ses cheveux gris, ses membres mutilés, la profonde balafre qui sillonnait son visage, et la croix de la Légion d’honneur sur sa poitrine ; et lorsqu’il eut achevé sa déposition, il ajouta ces mots : « Ce fils que j’avais élevé pour la France, je l’ai sauvé d’un arrêt qui eût épargné sa vie pour la flétrir et la déshonorer. Est-ce un crime ? Je vous donne ma vie en échange du déshonneur de mon fils. Mon pays a-t-il besoin d’une victime ? J’ai vécu pour la gloire de ma patrie, je peux mourir sans murmurer pour donner satisfaction à ses lois, sûr que, si vous me blâmez, vous ne me mépriserez pas ; sûr que les mains qui me livreront au bourreau jetteront des fleurs sur ma tombe. Ainsi j’avoue tout. Moi, soldat, je promène mes regards sur un peuple de soldats, et, au nom de la croix qui brille sur ma poitrine, je défie les pères français de me condamner ! »

« Le soldat fut acquitté, ou, du moins, le verdict répondit à ce qu’on appelle dans nos cours un homicide justifiable. Des acclamations s’élevèrent que rien ne put réprimer ; la foule l’aurait porté en triomphe jusqu’en sa maison, mais son aspect repoussait ces vanités. Il rentra chez lui, mais le jour suivant