Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/36

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la mort d’Aram, et nous avons le droit de transcrire cette confession si étrange, non seulement par les faits qu’elle expose, mais encore par les pensées qui s’y agitent. C’est la confession d’une âme fière qui a dévié de son orbite, pour aller se perdre dans je ne sais quelle région obscure et malfaisante du chaos. Pour moi, je n’ai point cherché à attirer l’intérêt du lecteur par ces procédés vulgaires et communs qu’aurait pu me suggérer un récit pareil et je me suis borné à enregistrer ce qu’Aram lui-même a écrit.

LA CONFESSION D’EUGÈNE ARAM

Je suis né à Kamsgill, petit village dans le Netherdale. Ma famille avait occupé dans l’origine un rang assez élevé dans la société ; elle avait la seigneurie d’Aram, sur la rive méridionale de la Tee. Mais le temps avait fini par la placer dans une situation fort humble, où elle avait gardé quelque chose de l’orgueil naturel aux héritiers d’un nom antique, et des prétentions vaines malgré leur fierté. Mon père habitait une petite ferme, et montrait une grande habileté dans l’horticulture ; c’est un don que je tiens de lui. J’avais environ treize ans lorsqu’éclata en moi la passion intense et profonde qui est devenue le démon de ma vie. J’avais toujours montré dès ma plus tendre enfance une grande inclination pour la solitude, pour la rêverie distraite et sans but ; ces traits de caractère n’étaient alors que les présages de