Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/4

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Éléonore tressaillit. Est-il rien de plus terrible que de voir les signes extérieurs de la gaîté accompagner la réalité la plus douloureuse ?

— Oui, reprit Madeleine avec un sourire d’une douceur inexprimable, un peu de réflexion vous prouvera que si nous devons prendre le deuil, ce n’est point en un jour comme celui-ci. C’était l’attente sans but qui nous rongeait le cœur ; s’il est acquitté, comme je le crois, comme je l’espère, voyez combien cette toilette de fête sera en rapport avec notre joie. S’il ne l’est pas, je rentrerai en toilette de mariée, à la maison où nous devions habiter après le mariage… Ah ! ajouta-t-elle, après un court silence, et d’une voix où perçait une gravité soudaine, vous souvenez-vous de ce qu’Eugène nous disait un jour ? que quand on descend à midi jusqu’au fond d’un puits, on peut alors apercevoir les étoiles, qui sont invisibles en plein jour pour celui qui a les pieds sur le sol. Maintenant même, des profondeurs de notre souffrance, surgissent des apparitions célestes qui se dessinent clairement devant mes yeux… Et je sais, j’ai vu, je le sens ici, ajouta-t-elle en appuyant sa main sur son cœur, je sens que ma course est finie ; il ne reste plus qu’un peu de poussière dans le sablier ; dépensons avec courage et sans les compter, ces derniers instants. Restez ici, Éléonore. Vous voyez ces pauvres pétales de roses flétries ; c’est Eugène qui me les donna, le jour… la veille du jour qui avait été fixé pour notre mariage, et je devais les