Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/45

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de la foule et ne trouvât en moi un protecteur[1], et cependant j’étais destiné à… Mais je ne veux pas empiéter sur la suite de mon récit. En rentrant chez moi après mes promenades longues et solitaires, je passais souvent près de la maison qu’habitait Clarke ; plus d’une fois je le vis chancelant d’ivresse, insultant tous les passants dont l’indignation restait muette, dominée par le dégoût. « Voilà donc, disais-je en moi-même, l’être répugnant et licencieux qui gaspille en excès brutaux, qui prodigue en affronts à la société cet argent qui ferait de mon âme une lampe allumée, capable d’éclairer le monde ! »

Il y avait dans les vices de cet homme quelque chose qui me révoltait plus que l’immoralité cynique de Houseman. Ce dernier n’avait possédé à aucun degré les avantages de l’éducation ; il était ouvertement, brutalement, grossièrement scélérat, et il avait une sorte d’instinct qui couvrait en quelque sorte ses défauts.

  1. Les anecdotes authentiques que l’on connaît sur Aram confirment cette générosité naturelle envers tous les êtres. Un clergyman, le R. M. Hinton, racontait qu’il avait souvent vu Aram, quand il se promenait dans son jardin, éviter attentivement les escargots et les vers qui se trouvaient sous ses pas, et même les écarter du chemin de peur qu’ils ne fussent écrasés. M. Hinton supposait ingénieusement qu’Aram voulait expier son crime en se montrant compatissant pour les animaux, pour les moindres insectes. Mais on peut conclure de diverses autres anecdotes que dès avant son crime, il avait donné maintes preuves de cette délicatesse et de cette douceur de sentiments envers les êtres dédaignés de la nature. Il y a de si étranges contradictions dans le cœur de l’homme ! (N. de l’auteur.)