Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/44

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de regarder en haut, alors que les gredins s’asseyaient les premiers au festin de la vie, et mangeaient les meilleurs plats ? Cet homme-là n’avait d’autres ressorts que les passions les plus méprisables, les désirs les plus frivoles. Il leur donnait satisfaction, et la destinée le regardait faire en souriant. Et moi qui avais fermé mon cœur aux inoffensives tentations des sens, moi qui m’étais nourri seulement des plus glorieuses illusions, des désirs les plus honorables, je me refuserais à moi-même les moyens de les satisfaire, je resterais tremblant, inactif, comme ensorcelé par les formules magiques des lois humaines, sans espoir, sans récompense, perdant, par ma timidité devant le crime, les ressources mêmes qu’il me fallait pour être honnête !

Ces pensées pénétraient d’une manière obscure mais rapide en mon âme, mais elles n’aboutissaient à rien ; je ne voyais rien au-delà, je laissais passivement l’indignation me ronger le cœur, je gardais le même calme, je tenais la même conduite que pendant le développement de mon esprit. Oui, à cette époque même où je maudissais la destinée, je n’avais point cessé d’aimer l’espèce humaine. Ce qui inspirait ma jalousie, c’était justement de voir en d’autres mains les ressources que j’aurais employées à la servir. J’avais toujours été, depuis mon enfance, disposé à la bonté, à la sympathie envers tous les êtres ; il n’y avait pas d’animal, si dépourvu qu’il fût de tout moyen d’expression, qui n’eût le don de me faire sortir