Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/47

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faire des insultes ; il osa même me menacer. Mais à peine était-il près de moi, qu’un seul de mes regards le fit reculer, et je continuai mon trajet sans me préoccuper davantage de lui. L’insulte dont il s’était servi me brûlait comme une morsure venimeuse : il avait raillé ma pauvreté ; la pauvreté était l’objet de ses plaisanteries préférées. Cela m’exaspéra, je ne ressentais ni colère, ni désir de me venger, non ! ces deux passions je ne les ai jamais éprouvées à l’égard d’aucun homme ; il m’était impossible de les laisser naître en moi à l’occasion d’un tel personnage. Néanmoins j’étais diminué à mes propres yeux, j’étais piqué. La pauvreté. Lui, railler un homme comme moi ! Lui, il se regardait comme mon supérieur, grâce à quelques parcelles de métal ! Mes pas inconscients me portèrent hors de la ville, je m’arrêtai vers un endroit où la rivière encombrée de plantes aquatiques, faisait un détour. C’était par une sombre après-midi, en hiver, les eaux étaient noires et mornes, les feuilles sèches craquaient avec un bruit mélancolique sous mes pieds. Qui oserait nier l’influence qu’ont sur nous les aspects extérieurs de la nature, et les changements qu’ils peuvent produire dans nos dispositions ? Toutes choses autour de moi semblaient me considérer d’un air colère et hostile. Je lisais à la surface de la terre et des cieux la confirmation de la sentence de malédiction qui a été rendue contre la pauvreté. Je m’adossai contre un arbre, dont les branches s’étendaient au-dessus des eaux, et je laissai mes pensées