Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/65

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que je veux finir ma vie languissante, c’est au milieu de ces tombes si paisibles qu’on creusera la mienne, et que l’on ensevelira pour toujours mon secret avec moi.

Je louai la maison solitaire que vous connaissez, j’y transportai mes livres et mes instruments scientifiques ; je formai de nouveaux projets dans le vaste empire de la science, et un profond repos, qui parfois ressemblait à du bonheur, entoura mon âme comme d’un doux sommeil.

J’étais dans cet état d’esprit, affranchi des souvenirs, ayant renoncé à plonger mon regard dans cet avenir que je connaissais par douze ans de passé, lorsque je vis pour la première fois Madeleine Lester. Dès cette première fois, il me sembla qu’une lumière soudaine et céleste rayonnait sur moi. Sa figure, oui, sa sereine et touchante beauté m’apparaissait comme une vision, mon cœur s’échauffait à sa seule vue, mon pouls lui-même perdait de sa lenteur accoutumée. Je retrouvais ma jeunesse, oui, la jeunesse, la force non seulement de l’âme, mais même du corps. Mais alors je ne pouvais que la voir ou lui parler, je ne l’aimais pas encore ; nos rencontres étaient assez rares. Lorsqu’elles avaient lieu, je croyais sentir autour de moi, pendant tout le reste du jour, la présence d’un esprit bienveillant ; c’était une émotion vive mais délicieuse, tout intérieure ; le vent du sud soulevait les flots noirs de mon intelligence, mais tout se taisait bientôt, et le calme revenait. Deux ans s’écoulèrent depuis le jour où