Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/64

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dormir dans un sentiment de sécurité ; je respirais plus librement ; parfois même le passé semblait s’effacer tout à fait. Depuis que j’avais quitté Knaresborough, le hasard m’avait procuré à diverses reprises l’occasion d’être utile à mes frères, non par ma science, mais par des actes de charité et de courage, par des actes individuels dont le souvenir me donnait quelque soulagement. Si le grand projet d’être utile au genre humain s’était évanoui, si à une bienveillance disproportionnée avait succédé l’apathie ou le désespoir, du moins l’être humain, personnel tenait encore fermement à mon cœur ; j’étais toujours prompt à la pitié, prompt à prendre le rôle de protecteur, heureux de faire des heureux toutes les fois que les vicissitudes de la vie m’en offraient l’opportunité ; et surtout jamais ma main ne fut fermée à la misère. Hélas ! il n’est pas de démon plus terrible que celui qui entre dans l’âme d’un homme quand la pauvreté est sur le seuil de sa demeure. Un seul acte généreux… que de noirs projets qui cherchaient à s’y faire jour, à prendre corps, sont anéantis par ce bienfait ! À celui qui considère le monde comme un ennemi, prouvez-lui qu’il a un ami, un seul, c’est comme si vous arrachiez le poignard de sa main.

Je me rendis dans une contrée pittoresque et lointaine de ce pays. Walter Lester, je vins à Grassdale. Le paysage enchanteur qui m’entourait, la situation écartée, la paix et la tranquillité de cet endroit me séduisirent à l’instant. C’est ici, me dis-je alors, dans cette vallée