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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/120

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— Frank, dit le curé d’un ton sévère, m nous avions tous le sort que nous méritons, quel châtiment devrait être infligé à celui qui non-seulement conserve sa colère après le coucher du soleil, mais qui cherche à rallumer celle d’un autre ? »

Et le curé tourna le dos à Frank, qui se mordit la lèvre d’un air contrit ; sa mère elle-même n’essaya pas de le défendre ; car lorsque le curé donnait à ses réprimandes ce ton sévère, la majesté du château s’inclinait devant l’autorité de l’Église. Surprenant le regard interrogateur de Riccabocca, M. Dale prit le philosophe à part, et lui avoua qu’il craignait que ce ne fût chose fort difficile d’amener Lenny à faire des excuses à Randal Leslie ; car le cœur orgueilleux de cet enfant ne pouvait digérer les ceps aussi facilement que celui du sage, nourri au régime fortifiant de la philosophie.

« Giacomo, dit Riccabocca en enfonçant son bonnet de nuit et en montant majestueusement sur son lit à colonnes : Je crois que nous pouvons maintenant compter sur ce jeune garçon pour le jardin ! »


CHAPITRE IX.

La sagacité machiavélique qui avait porté l’Italien à compter sur les services du jeune Lenny Fairfield obtint un prompt et éclatant triomphe.

Aucune parole du curé, quelle qu’en fût la sagesse persuasive, ne put décider le jeune paysan à aller demander pardon au gentleman cause de son humiliante incarcération. Ce qui accrut encore la douleur de mistress Dale, c’est que la veuve prit fait et cause pour l’enfant. Profondément blessée de l’injuste emprisonnement de Lenny, mistress Fairfield partageait son orgueil et approuvait hautement sa fière résistance. Ce ne fut qu’avec beaucoup de peine qu’on obtint de Lenny qu’il retournerait à l’école : il ne voulait plus bouger du foyer maternel. Malheureusement, les appréhensions de Lenny, au sujet des moqueries et des railleries de ses condisciples, ne tardèrent pas à se réaliser. Bien que Stirn se fût d’abord montré discret, le chaudronnier, qui avait eu vent de l’affaire, n’avait pas tardé à l’ébruiter. Après toutes les recherches faites pour trouver Lenny dans cette nuit fatale, il eût d’ailleurs été impossible de cacher ce qui s’était passé. Stirn raconta l’histoire à sa manière, le chaudronnier à la sienne, et les deux récits furent également défavorables à Léonard Fairfield. L’enfant modèle avait violé le saint jour du dimanche, s’était battu avec un supérieur, et par-dessus le marché avait été rossé. Lenny, le paysan s’était mis du côté de Stirn et des autorités pour espionner les méfaits des autres paysans ses égaux : donc Léonard Fairfield dégradé comme enfant modèle et hué comme