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réveillerez indépendant par la fortune et sur la route des emplois, des dignités et des distinctions. Voilà ma première offre. Qu’en dites-vous ? »

Léonard se rappela avec amertume son entrevue avec Audley Egerton, et la pièce de monnaie que le ministre lui avait tendue. Il secoua la tête et répondit :

« Oh ! milord, comment ai-je pu mériter tant de bontés ? Faites de moi ce que vous voudrez ; mais, si j’avais le choix, je préférerais suivre ma vocation. Ce n’est pas là l’ambition qui m’enflamme.

— Eh bien ! écoutez maintenant ma seconde proposition. J’ai un ami moins intime qu’Egerton et qui n’a rien à donner. Je veux parler d’un homme de lettres, Henry Norreys, dont vous avez sans doute entendu parler, et qui, je dois le dire, s’est senti de l’intérêt pour vous, en vous voyant étudier devant l’étalage d’un l’braire. Je lui ai souvent entendu dire que la littérature, comme profession, est mal comprise et que cependant en suivant une bonne direction, en travaillant autant et en y apportant la même prudence que l’on fait pour les autres professions, on peut être certain d’arriver par ce moyen à l’indépendance. Mais la route peut être longue et fatigante, rarement elle conduit à la fortune ; et quoique la réputation soit assurée, la gloire, telle que la rêvent les poètes, n’est le partage que d’un petit nombre d’élus. Que répondez-vous à cela ?

— Milord, mon choix est fait, dit Léonard avec fermeté ; et la physionomie du jeune homme s’illumina. Je veux la science pour elle-même. Peu m’importe qu’elle conduise ou non au pouvoir !

— Il suffit, dit Harley, répondant par un sourire de satisfaction au mouvement chaleureux de son jeune compagnon. Il sera fait comme vous aviez décidé. Et maintenant, permettez-moi, s’il n’y a pas d’indiscrétion, de vous adresser quelques questions. Vous vous appelez Léonard Fairfield ? »

Le jeune homme rougit et baissa la tête en signe de réponse affirmative.

« Hélène m’a dit que vous aviez été votre propre maître. Elle m’a renvoyé à vous pour le reste, pensant peut-être que je vous estimerais moins si elle me disait, ce que je soupçonne, c’est-à-dire que vous êtes d’une humble naissance.

— Ma naissance, dit Léonard en hésitant, est en effet des plus humbles.

— Le nom de Fairfield ne m’est pas inconnu. Quelqu’un de ce nom s’est marié dans une famille de Lansmere, a épousé une Avenel, continua Harley, et sa voix trembla. Vous pâlissez. Votre mère s’appellerait-elle Avenel ?

— Oui, murmura Léonard. Harley posa sa main sur l’épaule du jeune homme. Alors, vous avez des titres à mon amitié. J’ai le droit d’obliger toute personne de cette famille. »

Léonard le regarda avec surprise.

« Car, continua Harley, en se remettant, les Avenel ont toujours servi ma famille, et mes souvenirs de Lansmere, quoiqu’ils