Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je regrette pour vous, jeune homme, que les vacances commencent si tôt ; mais je m’en réjouis, pour moi, puisque cela me permet d’accepter la charmante invitation que vous avez rendue doublement agréable en rapportant vous-même.

— Au diable soit l’homme avec ses beaux discours ! On ne sait de quel côté regarder, » pensa l’Anglais Frank.

L’Italien sourit de nouveau, comme si cette fois il avait lu dans le cœur du jeune homme sans le secours de ses yeux noirs et perçants, et dit d’un ton moins cérémonieux qu’auparavant :

— Vous n’aimez pas beaucoup les compliments, jeune homme ?

— Franchement, non, répondit Frank.

— Tant mieux pour vous, puisque votre chemin dans le monde est tout fait, ce serait tant pis, si vous aviez à le faire. »

Frank parut embarrassé ; la pensée était trop profonde pour lui, il se retourna vers les tableaux.

« Ces peintures sont vraiment drôles, dit-il. Elles me semblent admirablement faites. De qui sont-elles ?

— Signorino Hazeldean, vous me donnez ce que vous avez refusé pour vous-même.

— Eh ? dit Frank, d’un ton interrogateur.

— Des compliments.

— Oh ! moi, non ! mais vraiment, ces peintures sont jolies. N’est-ce point votre avis, monsieur ?

— Elles ne sont point remarquables. Vous parlez à l’artiste.

— Quoi ! c’est vous qui les avez faites.

— Oui.

— Et les peintures du vestibule ?

— Aussi.

— C’est pris d’après nature, n’est-ce pas ?

— La nature, dit l’Italien, d’un ton sentencieux et d’une manière peut-être évasive, ne se laisse rien prendre.

— Oh ! dit Frank embarrassé de nouveau. Maintenant, monsieur, il faut que je vous dise adieu ! je suis enchanté que vous acceptiez.

— Sans compliments ?

— Sans compliments.

A rivedersi. Adieu pour aujourd’hui, signorino. Par ici, dit-il. en voyant que Frank se trompait de porte.

« Puis-je vous offrir un verre de vin ? Il est pur et de notre façon.

— Non, je vous remercie bien, monsieur, s’écria Frank, se rappelant la recommandation de son père. Adieu, monsieur, ne vous dérangez pas ; je connais mon chemin maintenant. »

Mais l’Italien, toujours poli, suivit le jeune homme jusqu’à la barrière où celui-ci avait laissé son poney. Frank craignant qu’un hôte si courtois ne vînt lui tenir l’étrier, saisit vivement la bride et s’élança à cheval sans même demander à l’Italien s’il pourrait le mettre dans le chemin de Rood-Hall, dont il ignorait complètement la route ; l’Italien suivit de l’œil le jeune homme, tandis qu’il montait l’avenue et soupira profondément.