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qui devait extraire de la racine des vérités sociales, un baume salutaire destiné à guérir la plaie cachée au fond du cœur de ses paroissiens d’Hazeldean. Et voici quel fut le sermon politique du curé Dale.


CHAPITRE X.

« Car chacun portera son propre fardeau. »
(Épît. de saint Paul aux Galates, VI. 21.)

« Mes frères, chacun portera son fardeau. Si Dieu eût voulu que notre vie se terminât à la tombe, ne nous est-il pas permis de croire qu’il eût pu écarter d’une vie si courte les soucis et les peines auxquels, depuis le commencement du monde, l’humanité est sujette ? Traitant donc cette vie comme notre enfance, et notre seconde vie comme notre maturité spirituelle, où « dans les âges futurs il nous inondera des trésors infinis de sa grâce, » il nous donne la preuve de sa tendresse aussi bien que de sa sagesse, lorsqu’il nous condamne au travail et à la douleur qui, en éprouvant nos forces et en développant nos vertus, préparent notre âme au bonheur éternel. C’est pourquoi chacun portera son fardeau. Mes frères, si vous croyez que Dieu est bon, que dis-je, si vous le croyez père aussi tendre qu’indulgent, vous comprendrez que les peines de la vie sont une preuve de notre destinée future. Mais chacun croit toujours son fardeau plus lourd que celui des autres. Le pauvre gémit de sa pauvreté, le riche des soucis qui augmentent avec ses richesses. Car, bien loin que la richesse nous affranchisse de toute peine, les philosophes de tous les siècles ont unanimement répété, d’accord avec le plus célèbre des sages : « Où il y a beaucoup de bien, il y a beaucoup de gens qui le mangent ; et quel profit en a celui qui le possède, sinon qu’il le voit de ses yeux ? » Cette parole est littéralement vraie, mes frères, car supposez un homme immensément riche, riche comme l’était le grand roi Salomon lui-même, s’il n’enferme tout son or dans une cassette, son or se répandra pour passer en diverses mains ; car il aura beau, comme Salomon, faire de grandes œuvres, bâtir des maisons et planter des vignes, faire des jardins et des vergers, l’or qu’il dépense ne fera toujours que nourrir ceux qu’il emploie. Salomon lui-même ne pouvait pas manger avec plus de plaisir que le pauvre artisan qui bâtissait son palais ou que l’humble laboureur qui plantait sa vigne. C’est donc une vérité, mes frères que, « où il y a beaucoup de bien il y a beaucoup de gens qui le mangent. » Cette parole doit nous enseigner la tolérance et la compassion pour les riches. Qu’ils le veuillent ou non, nous prenons part à leurs richesses sans en