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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/167

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beaucoup de choses à elle : j’ai toujours soin de les mettre à l’air, de les secouer et de les parfumer de lavande, dans le cas où elle viendrait les reprendre. Vous n’avez jamais entendu parler d’elle, monsieur ? ajouta la bonne femme avec simplicité et en faisant une révérence,

— D’elle, de qui ?

M. John ne vous a-t-il pas dit son nom ? De notre chère mistress Bertram. »

Léonard tressaillit ; c’était justement le nom que la recommandation d’Harley avait fixé dans sa mémoire.

« Bertram ! répéta-t-il. Êtes-vous bien sûre ?

— Oh ! oui, monsieur. Et bien des années après qu’elle nous eut quittés, il vint ici un paquet qui lui était envoyé de l’autre côté de la mer. Nous le reçûmes et le gardâmes, et Jacob voulut rompre le cachet pour voir si cela nous apprendrait quelque chose à son sujet ; mais tout était écrit dans une langue étrangère, nous n’en pûmes lire un mot.

— Avez-vous ce paquet ? Montrez-le moi, je vous prie, il peut être de la plus haute valeur ; mais non, ce sera pour demain, je ne puis penser en ce moment qu’au pauvre Burley. »

Léonard fit signe qu’il désirerait garder le silence et rester seul ; mistress Goodyer le laissa et rentra sur la pointe du pied dans la chambre de Burley.

Le jeune homme demeura quelque temps plongé dans une profonde rêverie. La lumière, murmura-t-il, c’est bien souvent le dernier mot de ceux qui vont entrer dans les ténèbres de la mort. Il se retourna et en face de lui, à travers le treillis du cottage il aperçut, non plus la misérable lumière allumée par des mains humaines, mais la calme et sainte splendeur d’un beau clair de lune, qui éclairait l’humble plancher et jusqu’au seuil de la chambre mortuaire.

Léonard demeura immobile, suivant de l’œil la lumière argentée.

Soudain un cri se fit entendre. Léonard frémit et courut dans la chambre voisine. La vieille femme était à genoux auprès du lit, cherchant à réchauffer les mains de Burley, et regardant avec effroi son visage. Un coup d’œil suffit à Léonard. Tout était fini. Burley était mort pendant son sommeil, tranquille et sans pousser un seul gémissement. Ses yeux étaient à demi ouverts et son regard avait cette inexprimable douceur que laisse parfois la mort ; il était encore tourné du côté de la lumière. Léonard lui ferma les paupières avec un tendre respect, et lorsqu’il recouvrit son visage, un sourire d’adieu errait encore sur les lèvres de son ami.