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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/336

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trange a donné à entendre en public que moi, moi, qui lui dois tant, qui l’ai toujours si profondément respecté, que même le juste ressentiment que j’éprouve en ce moment me paraît presque de l’ingratitude ; il a donné à entendre que… Ah ! miss Digby, j’ai peine à trouver des paroles pour répéter ce que j’ai été si humilié d’entendre. Mais vous savez combien est fausse toute parole qui nous accuse l’on ou l’autre d’avoir trahi notre commun bienfaiteur. Permettez-moi de répéter à votre tuteur ce que j’ai osé vous dire dans notre dernière entrevue, ce que vous m’avez répondu, et dans quels sentiments je vous ai quittée.

— Oh ! oui, Léonard, allez ! justifiez-vous à ses yeux ! Injuste et cruel lord L’Estrange !

— Hélène Digby ! s’écria soudain une voix derrière eux, de qui parlez-vous ainsi ? »

Au son de cette voix, Hélène et Léonard se retournèrent et virent debout devant eux Violante, dont la beauté était rendue presque sublime par la noble indignation qui brillait dans ses yeux, colorait son visage, et respirait dans tout son maintien.

« Est-ce bien vous qui parlez ainsi de lord L’Estrange ? Vous — Hélène Digby ! Vous ! »

M. Dale qui avait suivi Violante, apparut alors. « Doucement, enfant, » dit-il, et posant une main sur l’épaule de Violante, il tendit l’autre à Léonard. « Qu’y a-t-il ? Venez avec moi, Léonard, et expliquez-moi ce dont il s’agit. »

Léonard suivit l’ecclésiastique, et en quelques phrases soulagea son cœur oppressé.

M. Dale partagea son ressentiment, et après l’avoir questionné sur tout ce qui s’était passé dans cette mémorable entrevue avec Hélène, s’écria :

« C’est bien ; n’allez pas encore trouver lord L’Estrange vous-même ; je vais le voir ; je suis ici à sa requête. Il ne m’avait, à la vérité, appelé que pour demain, mais le squire m’ayant écrit quelques lignes à la hâte pour me demander de me trouver demain à Lansmere en même temps que lui, et de l’accompagner ensuite dans sa recherche du pauvre Frank, j’ai pensé que j’aurais sans doute peu de temps à donner à lord L’Estrange si je ne devançais son invitation en venant aujourd’hui. Je m’applaudis de l’avoir fait. Je suis arrivé il y a une heure, j’ai appris qu’il était à l’hôtel de ville et j’ai rejoint les jeunes filles dans le parc. Miss Digby, pensant que je pouvais avoir quelque chose à dire en particulier à ma jeune amie Violante, avait marché un peu en avant. C’est ainsi que je me suis heureusement trouvé là pour écouter votre récit et j’espère parvenir à éclaircir tout malentendu. Lord L’Estrange doit maintenant être rentré, je vais retourner au château. J’irai ensuite vous retrouver à votre hôtel. Votre seule présence dans ce parc et les quelques mots que vous avez échangés avec Hélène pourraient avoir pour conséquence d’aigrir encore votre bienfaiteur. Je ne puis supporter cette idée. Retirez-vous, je vous en conjure. J’expliquerai tout à lord L’Es-