Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions relativement aux domaines d’un certain M. Thornhill, car je vois par les titres de propriété desdits domaines, qu’ils ont jadis appartenu à votre famille. (Le baron consulta un élégant carnet.) Les manoirs de Rood et de Dalmansberry avec diverses fermes y attenantes, M. Thornhill désire les vendre. Ce M. Thornhill est un de mes anciens clients ; il s’est adressé à moi ; croyez-vous les propriétés susceptibles d’être améliorées ? »

Randal écoutait, les joues livides et le cœur ému. Nous avons vu que s’il y avait, parmi ses calculs ambitieux, un projet qui sans être absolument généreux et héroïque, fût cependant de nature à exciter la sympathie, c’était l’espoir conçu par lui de relever son antique maison, et de rentrer en possession des terres, depuis longtemps aliénées, qui entouraient les tristes bruyères du vieux manoir. Et apprendre que ces terres allaient tomber dans les griffes inexorables de Lévy ! Des larmes amères roulaient dans les yeux de Randal.

« Thornhill, reprit Lévy qui observait la physionomie du jeune homme, Thornhill me dit que cette partie de sa propriété (les anciennes terres de Leslie) rapporte deux mille livres par an, et que les baux pourraient être augmentés. Il en voudrait cinquante mille livres, dont vingt mille payées comptant, et il consentirait à ce que les trente mille livres restantes fussent hypothéquées sur les terres à raison d’un intérêt annuel de quatre pour cent. Cela me paraît une affaire avantageuse. Qu’en pensez-vous ?

— Ne m’interrogez pas, dit Randal avec une sincérité bien rare chez lui, car j’avais espéré pouvoir racheter cette propriété.

— Ah ! en vérité ! Cela ajouterait certainement beaucoup à votre considération dans le monde, non pas tant à cause de l’importance du domaine, qu’à cause des souvenirs héréditaires qui s’y rattachent. Si vous avez la moindre idée d’en devenir acquéreur, vous pouvez croire que je ne vous ferai pas de concurrence,

— Comment voulez-vous que j’en aie l’idée ?

— Mais ne venez-vous pas de me le dire ?

— Je croyais que ces terres ne seraient vendues que lors de la majorité du jeune Thornhill, en même temps qu’on renoncerait à la substitution.

— Oui, c’est ce que Thornhill avait cru lui-même, jusqu’à ce qu’en examinant les titres, je me fusse aperçu qu’il se trompait. Ces terres ne sont pas comprises dans le majorat constitué par le vieux Jasper Thornhill qui a le reste des biens. Thornhill veut arranger l’affaire tout de suite. Il y a un sir John Spratt qui donnerait bien l’argent ; mais l’acquisition de ces terres ferait de lui le personnage le plus important du comté, en sorte que mon client préférerait toucher quelques milles livres de moins et vendre à un homme qui ne serait pas son rival d’influence. On tient à la pondération des pouvoirs dans les comtés comme dans les nations. »

Randal gardait le silence.

« Allons, dit Lévy d’un ton affectueux, je vois que je vous fais de la peine, et bien que je sois ce que mes aimables hôtes de tout à