Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/12

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un sujet excessivement distingué, parce que je n’avais mis que huit années à acquérir toutes ces belles connaissances, dont il ne me restait plus rien, vous pouvez bien le croire, à l’âge de vingt-cinq ans, attendu que l’occasion d’en faire usage ne se présente jamais dans le monde. Comme je n’avais pas appris un mot d’anglais pendant tout ce temps ; comme je m’étais attiré les railleries de mes camarades et l’épithète de piocheur pour avoir voulu un jour, en dehors des heures de classe, lire les poésies de Pope ; comme ma mère, depuis mon entrée au collège, avait cessé de me donner des leçons, et comme, malgré ce qu’en peuvent dire les maîtres, on n’apprend rien aujourd’hui d’inspiration, il s’en suivait que, pour ce qui concerne la littérature anglaise, les lois anglaises et l’histoire d’Angleterre (à part les susdites histoires de la reine Élisabeth et de lord Essex), vous avez également le droit de supposer que j’étais, à dix-huit ans, quand je quittai Eton, dans la plus profonde ignorance.

C’est à cet âge que je fus transplanté à Cambridge, où je fleuris pendant deux ans dans la robe bleu et argent de Fellow-commoner de Trinity-Collége. Au bout de ce temps (comme j’étais de sang royal) j’obtins de droit le grade honoraire. Je suppose que le grade honoraire a été inventé par opposition au grade honorable qui n’est obtenu que par des hommes au visage pâle, portant lunettes et bas de coton, au bout de trente-six mois d’une application infatigable.

Je ne me rappelle pas très-bien comment je passais mon temps à Cambridge. J’avais un piano dans ma chambre, et une salle de billard à moi, dans un village à deux milles de la ville. Grâce à ces deux ressources, je trouvai moyen d’exercer mon esprit plus qu’on n’eût pu raisonnablement s’y attendre. À dire vrai, tout Cambridge exhalait un parfum de goûts et d’habitudes des plus vulgaires. Les hommes y buvaient de la bière par barils, et y mangeaient du fromage par quintaux ; ils étaient mis comme des jockeys, parlaient argot comme des filous, couraient pour des paris, juraient quand ils avaient perdu, fumaient au nez des gens et crachaient sur le parquet. Ils n’étaient jamais plus glorieux