Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/130

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originale est quelquefois de bon ton, une affectation imitée est toujours mauvaise.

« Allons, mon cher Henry, je finis cette lettre qui est beaucoup trop longue pour être intéressante. J’espère vous voir dans une dizaine de jours, à partir du moment où vous aurez reçu ma lettre. Si vous pouvez m’apporter un cachemire, j’aurai grand plaisir à constater si vous avez bon goût. Dieu vous garde, mon cher fils.

« Votre mère affectionnée,
« Frances Pelham.

« P. S. J’espère que vous allez quelquefois à l’église. Je suis fâchée de voir que les jeunes gens d’aujourd’hui aient si peu de religion ; c’est du plus mauvais goût. Vous pourriez emmener avec vous ma vieille amie Mme de *** pour choisir le cachemire ; prenez bien soin de votre santé. »

Cette lettre, que je lus attentivement, me fit faire de sérieuses réflexions. Mon premier mouvement fut de regretter d’être obligé de quitter Paris ; mais le second fut au contraire de me féliciter à l’idée du nouvel horizon qui s’ouvrait inopinément devant moi. Le grand art du philosophe est de tâcher de contre-balancer chaque désavantage par un bien équivalent, et, quand il ne peut le faire, de s’imaginer qu’il le fait. Je me mis donc à regarder moins ce que j’allais perdre que ce que j’allais gagner à quitter Paris. D’abord, j’étais assez las de ses amusements : il n’y a pas d’affaires qui fatiguent autant que le plaisir. Il y avait longtemps que je soupirais après un changement : et voilà que ce changement venait me trouver. Et puis, à vrai dire, j’étais enchanté d’avoir un prétexte pour me soustraire à une nombreuse cohorte de folles amours, à commencer par Mme d’Anville. Et cette circonstance, que les gens qui raclent de la guitare et filent le parfait amour auraient considérée comme excessivement désagréable, me semblait tout à fait heureuse et providentielle.

Ayant ainsi soulagé mon esprit de ces premiers regrets du départ, je lui permis de regarder dans l’avenir quels