Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/129

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temps qu’il ne vous a vu et que la plus grande partie de son bien est libre et peut être substituée. Si vous entrez à la Chambre, il faudra que vous ne perdiez pas de vue un instant ce but important, et je ne doute pas de votre succès. J’ai entendu parler M. Canning l’autre jour, et je trouve que sa voix ressemble beaucoup à la vôtre. Enfin, je ne doute pas de vous voir ministre d’ici à quelques années.

« Vous voyez, mon cher fils, qu’il est absolument nécessaire que vous partiez immédiatement. Vous verrez lady*** et vous tâcherez de vous faire des amis solides de toutes les personnes importantes de votre connaissance, pour vous retrouver toujours sur le même pied si vous retournez à Paris. Il ne faut pour cela que quelques politesses. L’expérience m’a appris que partout (excepté peut-être en Angleterre) on ne peut que gagner à être poli, quoique, par parenthèse, ce dernier mot soit un de ceux dont vous ne devez jamais vous servir ; il sent trop la place Gloucester.

« Vous devez aussi avoir bien soin, à votre retour en Angleterre, de faire le moins d’usage possible de phrases françaises ; il n’y a rien de si vulgaire ni de si déplaisant. Je n’ai jamais rien vu de plus drôle qu’un livre nouveau qui m’est tombé ces jours-ci entre les mains et qui a la prétention de donner une description exacte de la bonne société. Ne sachant que nous faire dire en anglais, l’auteur ne nous fait parler que français. Je me suis souvent demandé avec étonnement ce que les gens du commun pensent de nous, puisque dans leurs romans ils affectent de faire de nous un portrait si différent d’eux-mêmes. J’ai bien peur au contraire que nous ne leur ressemblions que trop en tout, si ce n’est, peut-être, que nous sommes plus simples et plus naturels. Plus on est élevé moins on a de prétentions, parce qu’on en a moins besoin. C’est là la raison principale qui fait que nos manières sont meilleures que celles des petites gens ; les nôtres sont plus naturelles parce que nous n’imitons personne ; les leurs sont affectées parce qu’ils cherchent à nous imiter ; et tout ce qui est emprunté, est vulgaire. Une affectation